Il jeta un coup d’œil au salon après avoir entendu un bruit et soupira en avisant sa mère l'attendant avec un air pincé, un verre de vin à la main. Il fit comme si de rien n'était et traversa le salon à toute allure, avant que celle-ci ne l'arrête dans son élan. « Milan Wolffhart. » Il soupira tout en levant les yeux au ciel, se tournant tout de même vers elle, malgré son dédain profond face à la situation. Cependant, quand sa mère prenait ce ton cela signifiait qu'il avait plutôt intérêt à se montrer coopératif. « Où étais-tu ? » Tout sauf ici à l'évidence. Il retint cette remarque acerbe ne voulant pas aggraver son cas. Ou plutôt ne voulant pas perdre son temps face à un débat stérile sur ce qu'il pouvait ou ne pouvait pas se permettre. Il n'appréciait guère qu'elle mette ainsi son nez dans ses affaires. Il savait parfaitement qu'il se devait de ne pas commettre d'erreurs. Ou du moins, pas d'erreurs qui puissent sortir de l'ombre. Il pensait qu'il avait prouvé maintes et maintes fois qu'il savait être prudent. Aucune de ses escapades n'avaient jaillies au grand jour et son comportement n'avait à aucun moment été une menace pour la réputation de leur famille. Il n'allait pas vivre comme un ermite tout cela parce que sa mère ne pouvait réprimer sa paranoïa. Cela devenait lassant de l'écouter critiquer le moindre de ses mouvements, la moindre de ses paroles, quand il prenait déjà d'extrêmes précautions. Avoir le regard déterminé, toujours garder son sang-froid, et un sourire aux bonnes occasions. Tout était une question d'apparence. Tout était étudié, parfaitement calculé ; ni trop, ni trop peu. Ne pas se révéler était le mot d’ordre. Il connaissait par cœur les préceptes qu'on lui avait inculqués en tant que Wolffhart et en particulier, en tant que fils aîné qui portait sur ses épaules l'avenir des siens. Garde la tête droite, continue de sourire, ne dévisage pas nos invités... ; paroles qui résonnaient dans son crâne depuis sa plus tendre enfance. Seule la matriarche Wolffhart semblait ne pas réaliser qu'il était aujourd'hui un homme. Fini le petit garçon qui s'accrochait autrefois aux jupes de sa mère, il n'avait aujourd'hui plus de comptes à lui rendre. Il lui devait le respect, mais ce n'est pas pour autant qu'il se devait de supporter ses interrogatoires. D'autant plus, qu'il savait qu'elle n'aimerait les réponses qu'il aurait à donner. Il savait la question qu'elle se posait: "Comment une femme aussi sophistiquée et digne qu'elle avait pu mettre au monde un enfant pareil ?" La réponse était pourtant simple, il était un Wolffhart. Il était un loup, un prédateur cachant ses crocs et ses griffes sous de bonnes manières, mais un prédateur tout de même. Derrière ses airs civilisés se cachait un cœur sauvage et un esprit indomptable, toujours à l’affût, guettant la moindre occasion de mettre un ennemi à terre. Toujours à l'affût d'une opportunité pour leur famille, pour lui-même, mais aussi cherchant à assouvir ses désirs, à étancher cette appétit insatiable. C'était finalement le dernier point qui la dérangeait réellement. Elle ne pouvait guère exercer quelques pouvoirs sur lui quand elle n'avait rien qu'il puisse vouloir. Il était bien trop occupé à aller de lits en lits pour s'intéresser à ce qu'elle essayait d'obtenir par son biais.


« Bien je crois que nous n'avons rien de plus à discuter ? » Toute la famille acquiesça à tour de rôle, pressé d'en finir avec toutes les formalités. Leur session hebdomadaire était finie, chacun avait fait son compte rendu et il n'y avait rien de plus à ajouter. « Milan, nous devons parler. » » Il tourna un regard interrogateur vers son père avant de balayer la pièce du regard, se demandant ce qui était en train de se passer. De quoi voulait-il lui parler qu'il n'avait pas abordé lors de leur réunion familiale ? Il suivit son père dans son bureau, avant de s'installer, attendant que celui-ci se décide à parler. « Il est temps que tu connaisses le nom de ta fiancée. » C'est donc de cela qu'il s'agissait. Il acquiesça, car c'était tout ce que son père attendait de lui. Et son obéissance fut récompensée d'un fin sourire. « Ta sœur et toi êtes promis aux Nishimura. » Une inspiration mesurée lui échappa alors qu'il prenait la mesure de ce que cela signifiait. Il n'était guère surpris. Il avait essayé de savoir à qui il serait uni et les Nishimura avait été un choix logique. Ils étaient leurs alliés depuis des années, avaient aussi connu une trahison par le passé, étaient pour un nouveau régime et, partageaient leur dévotion pour Elle. En prenant tout cela en compte, il ne pouvait donc pas prétendre que cette annonce était un choc. Cela rendrait son mariage plutôt facile. Ils avaient beaucoup en commun et quand ils s'étaient rencontrés ils s'étaient bien entendu. Il ne s'agirait pas d'amour, mais au moins personne ne pourrait nier qu'ils seraient bien assortis. Peu importe le passé de toute manière quand elle deviendrait son épouse, elle serait sa partenaire, son allié. Elle gagnerait un privilège que peu pouvait se vanter de posséder, elle serait son égal. A défaut de pouvoir lui offrir son amour, il ferait sûr qu'elle ne doute jamais de sa place  à ses côtés et, de l'importance qu'elle revêtait à ses yeux. Il entendait bien faire de leur mariage un partenariat réussi.