Les cheveux en bataille, le souffle court d'avoir trop longtemps couru, elle tentait de grimper les escaliers le plus rapidement possible. Elle n'avait jamais été la plus rapide, en fait, elle était même très loin de l'être, mais elle parvenait toujours à se trouver des endroits où se faufiler, où disparaitre avant de fuir loin des coups et des railleries de certains enfants de son école. Lorsque la journée était difficile, la première chose qu'elle faisait à son retour à la maison était de se réfugier dans sa salle de jeu situé au dernier étage de la maison et de sortir son matériel de peinture. Elle pouvait y rester pendant des heures, sautant sans problème l'heure du repas. De toute façon, sa mère ne se rendait même pas compte de son absence ou du moins, elle ne s'en souciait pas. C'était en quelques sortes pourquoi elle s'était mise à la peinture, comme si en peignant sur toile ses problèmes, elle les confiait à quelqu'un. Il s'agissait de l'un des rares sujets qu'elle n'aimait pas discuter avec son jumeau, elle ne voulait pas paraître aussi faible devant lui. De toute façon, elle avait beau rester muette à ce sujet, il parvenait bien vite à le deviner par lui-même en voyant son regard, mais aussi les quelques ecchymoses qui marquaient parfois son corps. Aliénor restait là-haut, attendant que tous s'endorment avant de descendre sur la pointe des pieds et de se faufiler jusqu'à la chambre de son frère. Poussant la porte avec délicatesse, elle venait se blottir contre lui, laissant son corps lover entièrement celui de son jumeau qui l'entourait de ses bras. Voyant qu'il était réveillé, la jeune fille lui fit une demande qu'elle faisait de plus en plus fréquemment depuis les derniers mois. « J'aimerais que l'on s'entraîne demain. » Engel avait toujours été bien plus doué qu'elle avec les pouvoirs qu'on leur avaient offerts. La magicienne savait qu'elle devait saisir cette chance et les développés du mieux qu'elle le pouvait et pour le faire, elle avait le meilleur des professeurs. Ensembles, ils passeraient des jours, des semaines des mois à travailler s'il le faut, mais elle finirait bientôt par devenir une prédatrice plutôt qu'une proie.



Un voile noir masquait son visage alors qu'on commémorait le premier anniversaire de la disparition de son fiancé. Le bras enlacé autour de celui de la mère de ce dernier, elles fixaient le résultat peu encourageant des recherches effectuées jusqu'à maintenant. Toute sa famille était éprouvée et les sanglots qui s'élevaient dans cette pièce étaient nombreux. Le regard d'Aliénor se promenait sur les visages de ceux entourant cette table et sur leurs habits presque aussi dramatiques que le sien et elle ne pouvait s'empêcher de remarquer à quel point cette scène presque surréaliste ferait un tableau magnifique. L'horloge au mur lui laissait comprendre qu'elle en avait encore pour plusieurs heures à se trouver ici à pleurer un homme qui n'avait jamais su la charmer. Un homme a qui ont avait promis sa main malgré elle. Heureusement, le destin choisissait pour la deuxième fois de lui rendre un service en éliminant cet indésirable de sa vie... Enfin le destin... Cela dépendait de la définition qu'on en faisait.


Assise devant son chevalet, elle fixait la toile encore vierge en silence depuis maintenant plusieurs minutes. L'une de ses mains relevés, ses doigts faisaient de légers mouvements, faisant tournoyer dans les airs le pinceau qu'elle n'avait pas encore utilisé. Il y avait de ces soirs où l'inspiration ne lui venait tout simplement pas. Aliénor était incapable de peindre sur demande, elle était à la hauteur de son talent uniquement lorsqu'elle se laissait sans réfléchir,. Soupirant, elle arrêtait son petit manège et laissait le pinceau aller se replacer un peu plus loin. Alors qu'elle se relevait, sa nudité se dévoilait entièrement dans cette pièce où personne ne pouvait l’apercevoir. Enfilant une robe de chambre, elle montait les escaliers la menant dans la partie principale de sa humble galerie, regardant au passage le nombre de toile étant présentement réservée pour des clients avec un léger sourire. En dehors de son frère, personne n'avait la moindre idée de ce qu'elle surveillait, planifiait dans l'ombre. Il était surprenant de voir à quel point on pouvait en apprendre sur les personnes en écoutant leurs goûts en matière d'art, mais surtout l'interprétation qu'ils en faisaient. Secrètement, elle nouait des contacts et se faisait des connaissances dans plusieurs milieux. La petite fille faible était loin derrière même si les blessures qu'avaient laissées son enfance demeuraient saillantes. Son besoin de se sentir aimé était toujours présent même si elle l'ignorait de toutes ses forces, le cachant derrière une carapace qu'elle croit impénétrable. Se noyant dans l'art, dans l’apprentissage de la magie et dans ses rêves de voir les magiciens avoir enfin la place qu'ils méritent dans cette société.