Bella 9 ans.
La nuit était glaciale ce soir-là, mais ça n’avait pas empêché la très jeune Isabella âgée de seulement 9 ans de prendre la poudre d’escampette. Il lui avait fallu qu’un peu d’imagination et aussi beaucoup de courage pour réussir à sortir de la grande maison familiale sans se faire remarquer. Bella aurait très bien pu demander à quelqu’un de l’accompagner, mais la seule personne avec qui elle aurait aimé partager cette soirée n’était pas là. Franzi sa sœur aînée se trouvait à des milliers kilomètres d’elle, perdue en Afrique. Cette fois-ci, la jolie demoiselle n’avait pas été de la partie, sûrement parce qu’une fois de plus elle avait montré son mécontentement quant à la capture de certains animaux qu’elle préférait voir évoluer dans leur milieu naturel. Comme le disait si souvent son père, elle avait trop de cœur, pas assez de jugeote. Qu’elle se taise et qu’elle soit jolie, on ne lui demandait rien d’autre. Après tout Bella n’existait que pour sa famille, un jour on la marierait, on créerait une alliance et le tour serait rejoué. Sans oublier que les Fuchs travaillaient le plus souvent ensemble. Elle ne quitterait donc jamais cette famille qu’elle aimait et détestait tout à la fois. Mais en cette soirée d’hiver, alors qu’elle arrive à entendre les bruits de la ville lointaine, la petite avance avec joie dans la neige qui tombe depuis plusieurs jours. Enroulée dans une couverture elle avance paisiblement. Le froid s’insinue dans chaque partie de son corps mais cela ne la dérange pas. Au contraire elle se sent vivante. Un léger sourire se dessine sur son visage quand elle arrive enfin assez loin de la maison pour respirer sans craindre qu’on ne la remarque en jetant un coup d’œil par les fenêtres. Doucement la gamine lève les yeux vers le ciel. Cette nuit-là, il est sans nuage, de nombreuses étoiles apportent de la lumière, mais ce n’est rien face à la pleine lune qui la gratifie de ses rayons protecteurs. Face au ciel, Bella se sent toute petite, voire même insignifiante, son monde est tellement immense qu’elle se demande bien l’impact qu’elle peut avoir sur celui-ci. Parfois, elle rêve qu’elle fait partie de ce tout, qu’elle possède une place bien précise dans cet univers, puis doucement elle reprend contact avec la réalité et se rappelle que la raison de son existence n’a d’importance que pour sa propre famille. En tout cas une chose est sûre, sous la voûte céleste les êtres sont tous insignifiants, des petites particules qui n’ont finalement d’importance que pour eux-mêmes. Elle sait qu’à des milliers de kilomètres de là, sa sœur contemple le même ciel, peut-être que Franzi pense aussi à elle ? En tout cas une chose est sûre qu’importe la distance, elle sait qu’elle pourra toujours compter sur sa sœur. Alors, Bella sourit, non elle n’est pas seule, pas totalement du moins.


Bella 15 ans.
Un petit coup d’œil à droite, un petit coup d’œil à gauche, personne ! La brunette sourit avant de s’infiltrer par une des fenêtres dans un des bâtiments annexes de la réserve qui présentent des animaux magiques. Ceux que la plupart ne savent pas c’est que derrière cette jolie vitrine se joue un business beaucoup plus lucratif. La mort de certains de ces animaux peut rapporter gros, sans oublier ceux et celles qui aiment s’entourer d’espèces rares pour leur ego personnel. « Te voilà » murmure t’elle alors qu’elle approche du cage dans laquelle se trouve un oiseau de petite taille. Un vivet doré, une espèce rare et protégée. Hélas, celui-ci n’avait pas eu de chance et c’était retrouvé pris dans les filets de la famille Fuchs. « Alors mon joli ? Tu as choisi la mauvaise route ? » Balançant sa tête de droite à gauche, l’animal piale avant d’agiter ses ailes. « Je sais ce que c’est de vivre dans une cage. » dit-elle en observant l’animal. Limité dans ses mouvements, il a déjà perdu quelques plumes, sûrement en cherchant à s’échapper coûte que coûte mais il n’en avait pas eu la chance. Laissant doucement ses doigts glissés sur les barreaux la brume s’émerveille devant tant de beauté. Le vivet doré n’est pas la seule créature a être tombé dans les pièges tendus par sa famille. Après tout les Fuchs sont connus pour leur connaissance du monde animal, dommage que cela ne leur desserve. Pourtant, au fond d’elle, la brunette sait parfaitement que s’ils veulent maintenir leur train de vie, cette pratique est indispensable, mais cela ne veut pas dire qu’elle accepte. Bella a beau faire partie de la famille Fuchs, elle possède sa propre petite carapace. Alors parfois, il lui arrive de jouer quelques tours à sa famille, sans jamais se faire attraper. Heureusement parce que sinon elle ne donnait pas cher de sa peau. Il était rare que la demoiselle s’infiltre dans la réserve pour libérer des animaux, elle ne le faisait que lorsqu’elle le jugeait vraiment nécessaire. Ce vivet doré finirait en cage, il serait alors exposé et ne pourrait plus jamais voler librement. « Il est temps pour toi de rentrer à la maison… » murmure t’elle alors qu’elle commence à décrire des mouvements amples avec ses mains pour ouvrir la cage, mais le cadenas ne bouge pas d’un poil.  « Tu n’étais pas censée réviser ? » Au son de la voix féminine, la brunette se fige avant de sourire. Elle tourne la tête pour poser son regard sur sa sœur aînée : Franzi. « Et toi ? Tu n’es pas censé dîner avec ton fiancé ? » Un sourire taquin se dessine sur les lèvres celle-ci. « Hmmm j’ai une grosse migraine…et une petite sœur à sauver ! » Elle avait bon dos la migraine, mais la présence de sa sœur n’était pas pour déplaire à Isabelle. « J’étais sûre que tu viendrais, alors je t’ai suivi ! » Isabella soupire, est-il si facilement aisé de lire ses pensées ? Ou cela est-il uniquement donné à sa sœur ? Elle penche pour la deuxième possibilité. Après tout, personne ne la connaît mieux que Franzi. « C’est horriblement moche ! » commente son aînée en posant son regard sur l’oiseau de petite taille et franchement rondouillard. « Autant donc lui rendre sa liberté ! » Les deux sœurs se sourient. Elles sont toujours pris un malin plaisir à faire des choses dans le dos de leurs parents et aujourd’hui n’échappe pas à la règle. « Ton geste n’est pas assez souple à la fin. »lui explique sa soeur alors qu'un bruit du loquet se fait entendre tandis qu’un sourire radieux se dessine sur le visage de Bella. « Tu veux le faire sortir ? » « Non vas y fait le ! » Après tout, c’est elle qui lui a ouvert la cage. Bella se contente juste d’ouvrir une fenêtre. « D’accord. » Avec élégance Franzi ouvre la cage. Pendant quelques secondes l’oiseau semble comme perturbé de cette liberté retrouvée, il se cogne contre les murs, se posent non loin des deux sœurs avant de trouver la fenêtre ouverte qui le ramènera vers ses semblables. Voilà qui est fait, il est grand temps désormais pour les filles Fuchs de rentrer chez elle. Demain, le réveil risque d’être difficile. Il faudra bien partir à la rechercher du volatil égaré, en espérant qu’il se soit assez éloigné pour ne jamais être retrouvé.

Bella 17 ans dans quelques jours.
Elle s’était pourtant promis de ne plus écouter aux portes, mais la tentation était trop grande. Des rumeurs arrivaient jusqu’à ses oreilles, ses parents se seraient enfin fixés sur l’homme qui deviendrait son époux. Au départ pourtant si curieuse de savoir avec qui elle partagerait sa vie, c’était désormais avec une boule énorme dans la gorge qu’elle s’approchait à pas de velours vers le bureau de son père. Elle avait capté le début d’une conversation la concernant. Comme si de rien était, elle avait glissé le long des escaliers pour finir par s’approcher tout doucement de la grosse porte en bois massif qui la séparait de son avenir. Rêveuse, elle s’était dit que peut-être elle pouvait tomber amoureuse ou peut-être même qu’elle possédait déjà un petit coup cœur pour son futur mari, après tout elle avait côtoyé tous les prétendants possibles lors de ses années à l’école de sorcellerie. Elle était donc obligée et de connaître. Pourtant quand le nom retentit à ses oreilles, ainsi que la famille. Le sang de la brune ne fit qu’un tour, il la glaça sur sa place, tandis que pendant de longues secondes qu’elle trouva interminable son cœur se figea pour ne redémarrer qu’une fois le choc encaissé. Cela ne pouvait être pire, elle l’avait toujours haï, d’aussi loin qu’elle s’en rappelle, lui et sa famille, elle avait toujours détesté tout ce qu’ils étaient. Comment ses parents pouvaient-ils penser à la marier avec cet homme ? Etaient-ils devenus fous ? Ne connaissaient-ils pas leur fille ? Se moquaient-ils à ce point de son avenir pour faire passer son mariage avant sa personnalité. Elle approcha sa main de la poignée, prête à faire irruption dans le bureau de son père. Mais avant d’abaisser sa main pour ouvrir la porte. La belle trouva assez de détermination pour ne pas terminer son geste. Elle ne pouvait pas, cela ne se faisait pas. Au fond d’elle, elle se sentait bouillir de haine et de rage, mais en rentrant dans cette pièce à ce moment précis, elle n’obtiendrait rien. Elle ne pourrait échapper à ce mariage, c’était impossible et allait devoir s’y faire, mais cela ne voulait pas dire qu’elle l’accepterait. De longues années s’étendaient devant elle pour qu’elle réfléchisse à un plan d’attaque, un moyen pour ne pas être un pantin dans les mains d’un homme. Jamais elle ne lui appartiendrait, jamais elle ne serait sienne, elle s’en faisait la promesse ! Aussi silencieuse que lors de son arrivée la demoiselle regagna sa chambre et referma la porte derrière elle. Bella s’adossa contre celle-ci avant de s’y laisser glisser. Elle se recroquevilla sur elle-même et posa doucement sa tête contre ses genoux. Elle n’était pas encore mariée et bien qu’elle consente à ce mariage pour le respect des règles familiales, elle n’offrirait rien d’autre. C’était en tout cas ce que la Fuchs se promit ce soir-là.

Bella tout juste 19 ans.
La demoiselle attrapa son téléphone portable. Si la plupart des sorciers n’en utilisaient pas ou ne savaient pas les utiliser, ce n’était pas le cas d’Isabella Fuchs. Allez savoir pourquoi, elle adorait la plupart des objets humains, elle les trouvait divertissants. D’ailleurs elle n’utilisait jamais son téléphone pour passer des coups de fils, elle n’en avait pas besoin et trouver toujours une autre solution. Et puis a qui aurait-elle pu téléphoner ? Ses parents étaient loin d’accepter la technologie moldus, peut-être avec sa sœur ? Voir Josef ? Elle n’avait pas poussé la question plus loin. Si la demoiselle ne se séparait pas de son téléphone, c’était uniquement à cause de la musique qui se trouvait à l’intérieur. Car oui, la brunette adorait ça, qu’elle soit humaine ou sorcière d’ailleurs, cela lui importait peu. Elle aimait les sons, les mélodies, les textes, le reste n’avait finalement pour elle qu’une importance secondaire. Bella laissa glisser le téléphone dans une des poches de sa veste, elle préférait éviter que ses parents comprennent l’importance de cet objet dans sa vie. Avec précision, elle s’occupa de lacer ses baskets, elle était fin prête. L’héritière rabattit sa capuche sur sa tête avant de sortir de sa chambre. C’est avec un sourire au bord des lèvres qu’elle salua quelques-uns des employés qui croisèrent sa route avant de sortir de la grande maison familiale. Une fois à l’extérieur, elle respira de grandes bouffées d’air frais avant de s’éloigner de la maison jusqu’à sortir de leur domaine. Une fois loin des regards indiscrets, la belle attrapa ses écouteurs et les posa sur ses oreilles avant d’envoyer la musique. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres tandis que les premières paroles de Hey Jude des Beatles retentit dans ses oreilles. C’était une de ses chansons préférées, la journée commençait bien. Il lui restait deux bonnes heures avant les cours, assez pour son petit footing matinal. Ses parents n’appréciaient pas vraiment que leur fille aille courir sans surveillance, mais elle avait réussi à conclure un pacte. Elle prenait toujours le même chemin. Ça les rassurer et elle pouvait respirer. Perdue dans ses pensées alors qu’elle évoluait à l’intérieur du grand parc, le chemin de la belle croisa la route d’un chien. Un Eurasier tout poilu et visiblement en vadrouille si on en jugeait par la laisse qui traînait par terre. « D’où tu viens ? » Bella retira ses écouteurs avant de tendre sa main au chien qui ne mit pas longtemps à la gratifier d’une grosse léchouille. « Ils sont où tes maîtres ? » Elle attrapa la laisse, histoire de ne pas laisser le fugueur reprendre sa course folle avant de regarder autour d’elle. Personne. Elle soupira avant de tourner de nouveau son attention sur le chien qui prenait un malin plaisir à détruire son jogging. « Ah ! » Laissa échapper Bella quand elle remarqua le numéro de téléphone écrit sur son collier. Tout n’était donc pas perdu. La brune regarde une nouvelle fois autour d’elle, toujours personne. Il ne lui restait donc plus qu’une solution : téléphoner. Autant dire qu’il lui fallut 5 bonnes minutes avant de trouver le courage de le faire. Autant dire que ce n’était pas un automatisme chez elle, mais fallait bien qu’elle retrouve le propriétaire du chien. Après trois sonneries, on lui répondit enfin. C’était une voix masculine, assez jeune, assez agréable. « Allô ? » Il fallut plusieurs secondes à Bella pour réussir à décrocher la mâchoire, mais elle n’arriva pas à le faire sans bégayer. « Oui…bojur, j’trouvé votchien !» Elle passa sa main sur ses tempes, elle était tout bonnement ridicule. Heureusement l’homme à l’autre bout du téléphone n’y prêta aucune attention, sûrement trop heureux de savoir qu’il récupérait bientôt son chien. Finalement il lui demanda de rester où elle se trouvait lui étant à l’autre bout du parc. La brune accepta, franchement pas rassurer mais elle ne pouvait pas attacher le chien à un arbre et s’enfuir. À ce moment-là, elle comprit à quel point elle était handicapée dans le monde commun. Bella savait se comporter dans la société magique, là où était sa place selon ses parents, mais elle était incapable d’en faire de même loin de celui-ci. Alors quand elle vit apparaître le propriétaire, très charmant, trop charmant d’ailleurs, il lui fallut quelques longues secondes pour lui répondre. « Non vous n’inquiétez pas, il m’a pas du tout dérangé. » La brune esquissa un sourire avant de s’apprêter à reprendre sa route. « Je peux vous inviter à boire un verre pour vous remercier ? » Un verre ? Avec un humain ? Warning clignota en gros dans son esprit, elle voyait déjà ses parents la pendre… « Je… » Mais il était beaucoup plus à l’aise qu’elle. « Juste un chocolat chaud… Ça ne sera pas long. » La brune pesa le pour et le contre, peut-être qu’elle pouvait voir ça comme une expérience de vie. Elle n’allait rien avoir à lui dire et comprendrait une bonne fois pour toutes qu’il n’y a aucun intérêt à côtoyer les humains. Finalement la brunette accepta. Le seul souci c’est rien que ne se passa comme prévu. Alors qu’elle pensait que la conversation se comporterait comme un soufflé au fromage, ce fut tout le contraire. Ils passèrent plus de deux heures à parler si bien que l’héritière arriva en retard en cours pour la première fois de sa vie. Elle aurait bien fait de s’abstenir de le revoir, mais à cet âge on est souvent cupide, surtout quand on est amoureux. Christopher, elle l’a aimé de tout son cœur et de toute son âme, n’écoutant que d’une oreille les recommandations de sa sœur. Entre eux, rien ne s’est jamais vraiment passé, si ce n’est quelques baisers dont elle se souvient encore. Leur histoire a pris un tournant dramatique lorsqu’en arrivant à leur lieu de rendez-vous son regard se posa sur une ambulance. Un accident venait de se produire. Pour une raison inconnue Christophe avait percuté un platane. La vie le quitta ce jour-là à même pas 19 ans… Il laissa derrière lui son chien bien sûr et une famille détruite. Tout ça parce qu’il avait cru bon de tomber amoureux d’une sorcière. Bella n’a jamais cru à la thèse de l’accident, elle a toujours su que cela venait de sa famille. Plus qu’un chagrin d’amour, Bella s’est toujours sentie responsable de sa mort et doucement cette noirceur s’est emparée de son cœur. Grappillant de jour en jour un peu plus de son innocence.


De nos jours.
Finalement, Bella a fini par devenir comme sa sœur, soumise à sa famille en apparence, préférant jouer l’anguille qu’affronter les conflits. Pourtant au fond d’elle, la colère gronde et elle espère un jour réussir à se libérer de leur emprise. Désormais l’ombre du mariage plane au-dessus de ses rêves et autant dire que ses parents n’auraient pas pu choisir plus mauvais fiancé. Bella ne dit rien, mais au fond d’elle, elle sait que plus les jours passent et plus elle se rapproche du précipice. Un choix s’offrira à elle : Plonger ou sauter ? Pour le moment elle se contente de se tapir dans l’ombre, réfléchissant, attendant le bon moment pour reprendre ce qu’on lui a volé depuis son premier cri : Sa liberté. Et autant dire qu’elle se battra pour elle.