"Vrzählsch mr a Gschiechd ? Bidde... bidde?
Assise sur les genoux de son grand-père, la fillette l'observait d'un air suppliant, friande d'entendre une autre de ces histoires que ce dernier savait si bien raconter. Conter des histoires, ou plutôt des légendes régionales, était devenue le vieil renard et la petite Franzi, et lors de chacune de ces petites séances, il transmettait un peu plus de son amour pour sa région à sa petite-fille - et son dialecte marqué. Une situation qui plaisait finalement bien peu aux parents de la fillette, qui considéraient ce langage comme étant indigne d'une famille aussi distinguée. Mais aucune de leurs complaintes n'avaient su toucher leur père.
- Na guad. Lass mi amol hirna... Kenschde scho d'Hirschgulda Gschiechdn ?
- Nee. Sag, gibds da au 'ne Brinzess ? I willa Brinzessinengschichdn.
Le vieil homme ne put s'empêcher de rire face à la naïveté de cette question. Une histoire de princesse... et puis quoi encore ? Franzi ne le connaissait-elle donc pas assez bien pour savoir que toutes ces histoires étaient d'un bien autre genre ? Pendant un instant, le regard scrutant de l'homme resta posé sur le visage de sa petite fille. L'expression sur le visage de cette dernière semblait parfaitement innocent, et pourtant, dans ces yeux pétillait cette petite flamme du malice.
- Abbr freilig, ond d'hoggad auf meim Schoss. Willschde d'Gschiechdn ? Dann hald a mol dei Goschrl.
Un sourire bienheureux, la fillette se blottit d'avantage contre son grand-père, buvant comme à son habitude les paroles de ces derniers lorsqu'il l'emmena dans des temps révolus depuis longtemps.

Spoiler:

Alors que sa voix se tut, les prunelles du vieil hommes restèrent fixés sur sa petite-fille, qui, contrairement à son habitude restait silencieuse. Ce n'était finalement qu'après quelques minutes que des paroles prononcés d'une voix enfantine firent hausser les sourcils à l'aîné.
- Deppert wärad's schoa, d'Zwillinge.
Devant le regard médusé de son grand-père, la petite brune renardeaux roula des yeux, avant d'ajouter sur un ton quelque peu ennuyé, voir même moralisateur, comme si elle ne comprenait pas qu'il faille expliquer une chose d'une simplicité sans pareille.
- Na, wenn I dem Josef saine Schogglad ablugs werd' I s'em ja au net vorher saga !
N'était-ce pas de la plus grande évidence que de telles actions réussissaient bien mieux lorsque la victime ne se doutait de rien ? Si par exemple, elle venait à annoncer à son aîné qu'elle comptait se servir dans son stock de chocolat, elle n'allait certainement pas le lui annoncer ! Non, il risquait juste de changer de cachette... Ce n'était finalement que devant le sourire quelque peu amusé de son grand-père que la jeune fille réalisa ce qu'elle venait de dire. Ses yeux écarquillés, les mains posés sur la bouche, elle finit par souffler :
- Abbr du sagsch em nix, gel? Der moint nemmlich imma no dass des der Bambes und die Bella sind! Bidde ?
Le rire et le clin d'oeil qui suivirent portèrent à Franzi cette confirmation qu'elle espérait tant.
- No will'e hald nomml a Aug zuadrugga. Ausgfuchsed wie de bisch,  missad mir ja wahrschains froh sai, solang'de em nur Schogglad ablugschd!

traduction:

 

« -Weischde, I vrschdeha ja nedd morom de Driabsal blosa muasch.
Épousant avec grâce les mouvements de sa monture, la jolie brune se retourna pour jeter un bref regard à sa sœur. Quelques jours s’étaient écoulés depuis le dix-septième anniversaire de la plus jeune des renardes. Quelques jours depuis qu’on lui avait faite cette annonce qui était à la fois tant attendu et tant réputé par tous les jeunes sorciers. Cette annonce n’était peut-être constituée uniquement de deux mots, et pourtant, ceux-ci ne pourraient pas être plus lourds en signification, puisqu’ils dévoilaient le nom de la personne avec qui on allait devoir passer le reste de sa vie. Pour Franzi, cette révélation datait désormais d’il y a plus de deux ans
Hädd do au schlemmr. Komma kenna. Schau I miasa mol wo läba wo’s nedd a mol gschheid reda kennad. D’reda als obs a OP zviel ghabt hedda. Botox läscht griäsa.
Sans même tenter de cacher son dégoût, la jeune renarde imiter le langage des gens du nord, son joli visage distordu dans l’effort de ne pas bouger un seul de ses muscles.
- De könen nech kloenen. Puis, elle repris sur un ton un peu plus sérieux, - Dene kenna wenischtens reda, au wenns zu deppert sind, ums ganze Alphabet zlerna.
Si elle n’était peut-être pas la personne la plus douée lorsqu’il s’agissait d’imiter les dialectes des autres régions, il n’y avait pas moins un domaine dans lequel Franzi excellait : ramener la discussion à elle. Après tout, sa sœur avait sans doute encore plusieurs années avant d’être obliger à se laisser passer la bague au doigt par un homme qu’elle n’avait pas choisi, et pire même, qu’elle méprisait. Avant, ce serait le tour de Franzi… et autant dire qu’elle craignait ce jour où son cher fiancé lui passerait la bague au doigt. Parce que franchement, qui rêverait d’épouser un n-ième fils d’une famille déchue ? Certainement pas la fière renarde.
- Solsch ja au nedd a Ma sucha der reda koan glaub I.
- Ja, was soll I denn andersch midm anfanga ? Karddla ?
- A Kendl ischer vielleicht, abbr in der Hos haders bschtimmd. Umso jongr, desto... na weisch scho. Hasch do imma draimd a Mutti zsai.
Un rire moqueur s'échappa des lèvres de la jolie brune. Elle, mère ? Le soleil allait se lever à l'ouest avant que cela n'arrive. Après tout, pourquoi s'embêter avec un goss qui passait son temps à pleurnicher ? Sans même parler l'effet que cela avait sur la ligne de la mère... Non, c'était tout bonnement hors de question qu'elle passe par là.
- Klar, I werd mai Figur für a Hosascheissa ruiniera. Ond der ko glei mid sain Papi in Kindagarda.
- Musch an'd Familienerbe denka. Odda zwas d'Hosascheissa alles fähig wära !
- Ja, weils Erbe vom letzda Soh ja so hoch isch.
- Zschad, dasser jung isch, a Herzattack isch da wohl a bisserle auffällig...
- Oh weisch, Unfäll sin rasch bassierd.
- Könndschn ja zum essa einlada, ond aufm Weg dräffeda zufällig aufm Barry. Du wärschn los, ond Barry häd sai Gaude, was willschde mea ?
Les yeux de la jolie brune pétillèrent d'amusement alors qu'elle imaginait Barry, hippogriffe de la réserve, accueillir le nouvel arrivant comme cela se devait... Une idée amusante, qu'elle ferait sans doute bien de garder dans un coin de sa tête. Après tout, on ne pouvait jamais savoir quand est-ce qu'on pouvait bien avoir besoin de se défaire d'un époux - ou d'un autre personne - gênant, n'est-ce pas ?
- Na ja, I geb zu, dass mrs gfalla würd, a Witwe zsai. Abbr schwarz steht mr nuamoal übahauptnedd.
- Schwarz wird do nua no mehr zeiga, wie perfekt dai Körpa isch.
- Depperle, schwarz versteckd do nua d'Forma. Ond bevor no mea Schmarn redasch, was sagsch vom m'Renna ? I wedd, dass I schnella dahoim bin als du.
Sans même attendre une réaction de sa sœur, la jeune Fuchs claqua doucement de la langue, encourageant sa jument à s'élancer à pleine allure la colline qui se dressait devant elle.
Derrière elle, la voix de sa soeur rentit, laissant entendre un 'Hé reviens pourquoi t'assumes pas !!!! C'est un bourrelet que je vois?' quelque part derrière elle. Mais Franzi préféra l'ignorer... pour le moment. Rien ne lui gâcherait ces quelques minutes, durant lesquelles elle pouvait laisser derrière elle toutes ces restrictions et convenances qui gouvernaient habituellement sa vie. Bercée par l'allure souple de sa jument, elle pouvait goûter au vent de la liberté... du moins, pour quelque temps. Isabella allait regretter ses derniers mots - mais pas tout de suite. Après tout, la vengeance était un plat qui se mangeait froid.

traduction:

« Bella… »
A peine plus forte qu’un murmure, la voix de Franzi avait perdu toute l’assurance qui la caractérisait habituellement : pour une fois, la jeune renarde était à court de mot. Mais en même temps, à quoi bon de parler dans un tel moment ? Sa jeune sœur venait d’apprendre la mort de l’homme qu’elle aimait. La réelle implication de cette perte dépassait certainement l’imagination de Franzi – n’ayant elle-même jamais aimé-, mais elle était tout de même en mesure de comprendre que l’éloquence était certainement la dernière chose qui intéressait Bella en ce moment précis. Ou les paroles en général. Sans dire un mot de plus, la jolie brune rejoignit sa cadette dans le box où celle-ci s’était cachée, avant de s’asseoir élégamment dans la paille. Se mordillant la langue pour éviter de laisser échapper un ’je t’avais pourtant prévenu’, la jolie brune passa tendrement son bras autour des épaules de sa sœur. Non, elle n’avait jamais compris comment sa petite sœur avait pu se lancer cœur et âme dans une aventure qui avait été damnée d’avance. Depuis leur enfance, on leur avait inculqué l’idée qu’un jour, elles se marieraient à un homme choisi par leur parent. Un sang-pur, bien évidemment, toute autre option était tout bonnement inenvisageable. On aurait pu penser qu’en toutes ces années, Bella aurait fini par comprendre que le soleil se lèverait à l’ouest avant que l’une d’elle n’aurait un mot à dire sur son futur mariage. Sauf que c’était du Bella tout cracher que d’être encouragée par un interdit au lieu d’en être dissuadée: et tel taureau fonce toujours lorsqu’on lui agitait un foulard rouge devant le nez, Bella se rebellait pour quasi chaque interdiction. Qui sait, peut-être était-ce là justement un des points sur lequel les deux sœurs différaient le plus dans leurs caractères respectifs : si Isabelle avait tendance à montrer ouvertement son mépris vis-à-vis de certaines règles, Franzi si soumettait toujours… du moins en apparence. Après tout, à quoi bon que de s’engager dans une bataille perdu d’avance ? Non, parfois, il valait mieux sourire et acquiescer, tout en concentrant ses efforts sur un sujet plus important… ou de tout simplement contourner les règles ou interdits gênants lorsque les autres avaient le dos tourné. C'était certainement là une leçon que Bella venait d'apprendre à la dure - car avouons-le, le timing de l'accident fatal ayant coûté la vie au petit-ami de la jeune renarde était quelque peu douteux. La question n'était donc pas si un membre de la famille Fuchs y était mêlé, mais bien qui... Il n'y avait qu'à espérer que Bella n'ait pas le même raisonnement : perdre son aimé était bien déjà assez dure pour elle, mais savoir qu'un membre de sa propre famille pouvait bien y être impliqué ? Cela risquait de la détruire autant plus. Caressant délicatement le dos de sa sœur, comme pour rappeler sa présence à cette dernière, la jolie brune continua à laisser ses pensées vaguer, et, pour une fois, celles-ci ne tournaient pas autour de sa propre petite personne. Un miracle qu'une seule personne était capable de le réaliser, et celle-ci pleurait toujours sur son épaule.
Ce n'était finalement qu'une fois que Abraxas, le jeune croup de Franzi, fit son apparition et se mit à vouloir sauter sur les deux sœurs, réclamant leur attention, que Bella semblait enfin se calmer. Saississant le petit canidé, la jolie brune se leva, avant de lancer sur un voix parfaitement normale :
- Wisched scho dass mr a Ralph Lauren Bluss schuldesch ? Hasch Glück dass mai Lieglingschwesta bisch, da kann I ja moal drüba wegseha. Abbr nur ai moal" C'étaient là des paroles qui pouvaient sans doute paraître bien froides, mais considérant le caractère matérialiste de la belle, c'était là une manière bien à elle d'exprimer à quel point elle tenait à sa petite sœur.

traduction:

Si certains avaient pu croire que le caractère quelque peu nombriliste et narcissique de la jolie renarde se tasserait avec les années, alors il ne reste qu'à leur dire de continuer à espérer. Après tout, l'espoir meurt en dernier n'est-ce pas ? Car pour le moment, la belle est bien loin de changer. Parfaite petite renarde en apparence, surtout lors des assemblés, elle ne prend pas moins un certain plaisir à rendre la vie difficile à son entourage de par son caractère lunatique et hautain. Et pourtant, si l'on cherche bien, on trouvera peut-être un côté légèrement plus doux, car il est bien là, caché quelque part, comme le prouve son attachement à sa jeune soeur, ou même ses nombreuses missions commandos pour libérer certains animaux. Mais entre temps, prenez garde à la langue acérée de la belle, puisque celle-ci peut s'avérer être toute aussi blessante que les crocs de son croup.