En me levant seule dans ce lit immense, j'en suis presque à remercier mon mari pour me laisser retourner chez les miens pour plus d'une journée. Ses absences se font régulières, on ne se voit qu'en coup de vent ces derniers jours. Mais, ce n'est pas pour me déplaire, oh non. J'en viens à compenser son manque en doublant mes heures de travail. Les Nishimura ont beau être des personnes très respectables, j'ai du mal à me sentir chez moi entre leurs murs. Akira se montre très présent pour moi, allant même jusqu'à m'initier aux coutumes familiales mais ça ne suffit pas à me donner l'impression de trouver ma place. Je me prête au jeu, toujours très curieuse de découvrir de nouvelles choses. Mais, cette virée à Cassel va me faire un bien fou, je n'en doute même pas l'espace d'une seule seconde. Je ne sais pas quelles personnes seront présentes. Si je vais avoir la chance de voir -et surtout de parler avec- Mayssa. Un coup d'oeil dans le miroir m'arrache un léger sourire alors que je replace l'une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille. Un sourire illustrant bien des sentiments que je garde pour moi se remarque alors dans mon reflet.

Prenant congé de ma nouvelle famille, j'en viens à saluer les quelques membres de ma famille de sang une fois arrivée à Cassel. Cette ville a un pouvoir fou sur moi et retrouver la tranquillité de ma chambre de gamine me met dans une telle joie que j'en profite, simplement, pour prendre quelques minutes juste pour moi, allongée sur ce lit dans cette chambre qui est restée exactement telle que je l'ai quittée. J'ai déjà croisé pas mal de personnes. Enfants, adultes plus ou moins jeunes.. C'est comme si je n'étais jamais partie. Mes yeux se ferment pour ce que je crois être quelques brèves secondes mais qui, au final, se sont transformées en de nombreuses autres minutes. Quelqu'un frappe à la porte, ce qui me fait me redresser presque d'un bond. « Le dîner est prêt. » Cette voix.. Je la reconnais directement. Issa. L'un de ceux que je n'ai pas encore vu depuis mon arrivée. Me jetant au pied du lit, j'en suis à passer rapidement mes mains dans mes cheveux pour leur redonner une certaine prestance digne d'une Abdelaziz et sa crinière de jais. « Deux petites secondes, j'arrive. » que je lance alors pour lui faire comprendre que je l'ai bien entendu. C'est la moindre des choses après tout. Ouvrant la porte, je tombe face à lui. Ce petit sourire que j'ai habituellement double voire triple même d'intensité. Issa est l'un des Abdelaziz que je vois le moins souvent, malheureusement. Je ne tarde pas à fondre entre ses bras pour une étreinte des plus fraternelles. « Issa.. Depuis le temps. » Le relâchant finalement pour ne pas l'étouffer, mon regard observateur le scrute un instant. « Tu as l'air en pleine forme. Ça fait grandement plaisir. » Il n'y a rien de pire, pour moi, de sentir que l'un de mes proches est en mauvaise posture ou situation. Cela me rassure de voir qu'il se porte bien.

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Je profite du calme de cette pièce que je ne connais que trop bien pour y avoir passé de nombreuses années. C'est là que je me perdais, la nuit venue, dans des rêves tous plus fous les uns que les autres. A cet endroit, aussi, que mes plus jeunes sœurs venaient lorsqu'un cauchemar obscurcissait leurs songes, trouvant un peu de repos dans mes bras. Souvent, elles s'endormaient près de moi. La famille a toujours été très importante pour moi. Et même si je savais que ma vie n'allait pas tourné exclusivement autour de Cassel, j'étais bien loin d'imaginer ce qui est, aujourd'hui, devenu mon quotidien. Jamais je n'aurai cru possible qu'un tel tiraillement entre cœur et raison puisse exister. Un supplice, un dilemme qui retombe au néant alors que je ferme simplement mes yeux, me sentant chez moi et aussi innocente que je pouvais l'être enfant. Finalement, Issa se fait entendre derrière cette porte. Il n'en faut pas plus pour que je saute hors de mon lit, heureuse de l'entendre puisque sa présence est une preuve supplémentaire que je me trouve au bon endroit. Chez-moi. Je n'ai tout simplement pas pu m'empêcher de fondre directement entre ses bras, un geste loin de l'étiquette que je devrai garder en tête, mais qui prouve simplement à quel point tous les Abdelaziz sont importants pour moi. Et puis même, je suis faite de ce sang de liberté. Pourquoi le refouler si j'ai envie de trouver un réconfort muet ? « Merci et oui je le suis. » Cela se voit. Isis prend certainement grand soin de son mari. Pas comme moi.. Me donnant une gifle mentale, je m'interdis ce genre de pensées, souriant à ce cousin par alliance. Je n'hésite pas à accepter ce bras qu'il me tend, marchant tranquillement à ses côtés. « Comment vas-tu ? Tu sembles également en plein forme. » Haussant doucement mes épaules, il faut bien avouer que je ne vais pas si mal que ça. Cette nouvelle famille qui m'accueille n'est de loin pas la pire. Mais, quand même. « Cassel me manque. » Surtout cette sensation de liberté, finalement. « Mais, je pense qu'il y a pire que ma situation. » Loin d'être convaincue par mes propres paroles, j'en suis à tenter de les croire. Après tout, au niveau professionnel, pour moi aussi, tout va très bien. C'est déjà pas mal. Une fois arrivée dans cette salle à manger, je prends place grâce à l'attention sans faute d'Issa. Alors qu'il s'installe face à moi, je le remercie d'un nouveau sourire. « Tout se passe bien avec les Nishimura ? » Les premiers plats ne tardent pas à arriver et sa simple question me noue le ventre l'espace de quelques secondes. « J'ai un peu de mal à me faire à leurs coutumes. » Heureusement qu'Akira était là. Un homme qui a ma pleine considération. « Il faut sans doute plus de temps pour s'y faire réellement que seulement quelques mois. » Le regard que je lui adresse alors le questionne presque comme un pas vrai ? pour avoir son avis sur la question. Lui qui, tout comme moi, doit vivre éloigné de son sang doit très bien savoir de quoi je veux parler. Ce temps d'acclimatation qui me semble interminable. Le repas sous nos yeux me met l'eau à la bouche.

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