Cette manie de vouloir toujours observer et espionner les autres, elle est encrée dans ton esprit depuis que tu es tout jeune, malgré le fait que ce n’était pas à des fins professionnelles ou malsaines dans le temps. Tu te rappelles de ces après-midi passés dans le jardin à espionner tes deux frères, tes oncles, tantes, cousins et même tes deux parents. Tu échappais toujours à l’œil aguerri de vos gouvernantes et tu en profitais pour aller te trouver l’endroit rêvé pour capturer les meilleurs souvenirs.  Caché dans un buisson ou dans les arbres, tu étais secrètement armé de ta caméra, prenant les meilleurs clichés familiaux jamais mieux exécutés dans tes jeunes années. Tu prenais soigneusement ton arme et appuyait sur le bouton, mais le flash du vieil engin finissait toujours par trahir ta cachette et ainsi révéler ta véritable location. « Mince ! » tu t’exclamais lorsque tu entendais finalement ce bon vieil Ulrich crier pour que tout le monde l’entende : « Il est en haut, je l’ai trouvé ! » Pas très pratique pour jouer à la cachette quand on est gamin. Tu ne prenais jamais ces parties au sérieux de toute façon, rêvant plutôt de photos et de clichés beaux pour les yeux. Et tu descendais avec ton air pénible de cet arbre, tout en râlant que ce n’était pas juste. Tu recevais une tape derrière le dos de la part de tes deux aînés et vous vous dirigiez tous les trois vers la salle à manger, impatients de raconter toutes vos aventures à vos parents lors du repas à table. « Et on a encore trouvé Rudolf dans un arbre... » racontait ton autre frère. Évidemment, tu n’étais qu’un gamin à l’époque. Malgré toute l’éducation stricte que tu recevais, tu trouvais le moyen de ne pas te plier à certaines règles... comme échapper à la surveillance de tes gouvernantes par exemple. Puni pour le lendemain, tu rentrais péniblement dans ta chambre, privé de ton appareil pour les prochaines vingt quatre heures. Que ces heures te semblaient longues et pénibles, elles le sont encore dans ton esprit, rien qu’en y repensant. Cependant, dès que le sablier faisait son œuvre, tu te rendais dans ta chambre noire pour développer toutes les photos que tu avais prises. Évidemment, il y en avait plusieurs ratés, mais les plus esthétiques ne manquèrent pas de rester sceller à jamais dans l’album de famille des Rosenwald.


D’aussi loin que tu te souviennes, l’idée de mariage n’a jamais été ta tasse de thé. Cependant, étant dans le devoir de ta famille de continuer à véhiculer les idées familiales, tu n’as eu d’autre choix que de plier aux exigences de tes parents. Ils te choisirent une Freidrich comme fiancée. Tu te rappelles encore de ce jour d’orage à l’extérieur à l’aube de la mi été de 1993, alors qe tu n’avais que dix-sept ans. Tu n’étais d’un adolescent en colère, après tout. Tu désirais profiter de la vie, tu étais en révolte, tu voulais vivre une liberté et avoir une vie. Tu es le cadet, en quoi cela était important pour tes responsabilités futures ? La salle était éclairée par de petite chandelles et tu faisais les quatre cent pas devant tes parents, assis sur leur chaise, pendant que tu leur dictais ton monologue de révolte. « Je n’y comprends rien ! Pourquoi moi ?! Mes deux frères sont largement suffisants pour combler tous vos souhaits ! » Tu ne comprenais pas pourquoi tu devais le faire, tu ne comprenais pas pourquoi ils faisaient ces choix à ta place. « Je t’en prie, Rudolf, assieds-toi. Cela ne t’engage en rien, si ce n’est que de perpétuer la tradition familiale. Ta mère et moi ne nous aimions pas plus au début. » Le patriarche Rosenwald se fit donner un coup de coude par Madame elle-même. « Ce que je veux dire, c’est que c’est une question... » « Une question de mariage et d’obligations, oui. » Tu coupas ton père de manière sèche et malgré toute ta bonne volonté et ton bon vouloir, tu te plias à leurs exigences, comprenant finalement que mariage ne rimait pas forcément avec amour. Tu étais heureux, apprenant à connaître ta femme davantage avant le mariage. Sous les bons conseils de ta cousine Helmina, envers qui tu as toujours eu un énorme respect, tu réalisas qu’il valait mieux t’en faire une alliée qu’un simple bibelot. Ce qu'elle avait vite compris en épousant ton aîné, d'ailleurs. Tu pris ces bons conseils et tu décidas te prendre en ta femme une amie, plutôt qu'un fardeau.


Un an plus tard, tu devins père. Sûrement une des plus belles choses que tu aies pu avoir. Tu étais si jeune et pourtant, tu te sentais prêt. Avec toutes les ressources familiales à vos côtés, impossible que cet enfant manque de quoi que ce soit. Évidemment, tes nouvelle obligations paternelles ne t’empêchèrent nullement de poursuivre tes études pour entrer dans la police, pour ainsi assurer un bon revenu, quoi que déjà assez suffisant, pour ton enfant et ta nouvelle petite famille. Mais comme le rôle d’un père est très prenant, ton diplôme tardait à te venir entre les mains. Trois ans plus tard, la petite dernière de la lignée Rosenwald vit le jour. L’année suivante, soit le 9 octobre 1998, finis la scolarité et tu obtins finalement ton diplôme pour exercer le métier de policier et ainsi assurer un bon foyer à tes deux enfants. Les bijoux que tu considères le plus importants dans ta vie, tes deux réussites. Rien ne t’as jamais rendu plus fier que de les voir grandir à tes côtés alors que tu n’étais même pas en pleine découverte de toi-même. En 2006, tu décidas d’entreprendre des études en droit pour te défaire du corps policier et fonder ta propre entreprise de détective. « Tu y as bien pensé Rudolf ? Je veux dire... C’est plus dangereux et risqué que policier... Je ne veux pas que mes enfants finissent sans père et moi être amputé d'un mari aussi aimable que toi.» Mais cette passion de vouloir tout espionner et de dénoncer les injustices pour certaines personnes bouillonnait en toi et tu sentais que tu devais absolument aller jusqu’au bout cette fois-ci. « Je sais que je fais un sacrifice énorme, mais pense-y. Je sais que je t'en demande énormément, mais je te promets que je ne laisserai rien te faire du mal à toi ou à nos enfants. »


Armé de ta caméra dans les rues de Berlin, tu prends des clichés pour un client qui voulait s’assurer de la fidélité de sa femme. Évidemment, toutes les preuves sont contre cette pauvre demoiselle qui n’a que des photos compromettantes. Hissé sur le haut de l’escalier de l’immeuble en face, ton doigt appuie constamment sur le bouton de l’appareil afin d’avoir le plus de clichés à ta disposition pour ton client. Tu as toujours aimé cette vie nocturne. La nuit te permet de te faufiler plus facilement à travers la population et de faire ton boulot. Le jour, tout le monde te connaît comme un homme puissant qui appartient à une famille du même rang. Du coup, cela te permet de décompresser et de profiter de la fraîcheur extérieure. Tu es plus qu’un Rosenwald, tu es un détective privé. Tu travailles au service des citoyens avant tout. C’est ce que tu fais. Attrapant ensuite ton téléphone, tu envoie un message texte rapide à ton client. Preuves amassées, on se voit demain à 9:00 au bureau sans faute. Pas le temps d’attendre de réponse, tu as fini d’amasser tout cedo dont tu avais besoin pour cette affaire. Cela fait une semaine que tu la prends en chasse et que tu l’observes pour avoir les moindres détails de cette nouvelle vie. Tu lâches ton appareil, le range dans son sac à l’épaule et tu descends comme tu es monté de cet escalier de secours, te fondant dans la masse nocturne de Berlin.