Durant de longues années, j'avais attendu ce moment... Neuf années que je m'impatientais à pouvoir rencontrer celle qui deviendrait ma femme. Après le mort de Serena Rosenwald, la main d'une jeune fille me fut promise, une nièce de l'Impératrice. Neuf années nous séparaient également, mais sur la décision de mon père, je n'avais guère eu le choix. Dans le jeu de la quête du trône, l'enfant n'est point roi. Il ne peut décider d'un mariage d'amour, et il abdique devant les exigences de ses parents... Malgré cela, j'avais attendu. Et mon interminable attente fut récompensée puisque lors de lka soirée d'anniversaire d'Helmina Rosenwald, j'avais pu l'approcher et la découvrir. Bon, rien ne s'était passé comme je l'avais espéré, mais... Elle m'avait tout de même parlé ! Enfin, envoyé paître. Il est vrai d'ailleurs, que je n'avais pas eu le temps de me présenter... La soirée avait très vite tourné au vinaigre, lors de la découverte d'un poison dans l'un des cadeaux. Et qui fut, parmi autres, suspecté ? C'est bien moi oui ! Le seul sang pur à être interrogé... Mais le Général m'avait très vite rassuré en m'expliquant que ce n'était seulement pour faire disparaître tout soupçon sur la prise de partie ou non, parti royal. Mais, imaginez vous la mauvaise image que j'ai dû donner à cette jeune femme..! Rien de bien vaillant n'est ce pas ? Surtout lorsqu'elle découvrirait ma véritable identité...
Mais à la suite de cette soirée, j'avais reçu une missive frappée du sceau de la fleur royale. J'étais invité au Palais de la Rose, pour rencontrer ma fiancée. Je n'avais pu qu'annoncer la bonne nouvelle à ma mère, qui fut ravie de l'apprendre. Ma mère est en quelque sorte ma confidente. Je n'ai jamais eu la chance d'avoir un ami proche, sinon un. Et puis, ma sœur ne daignant même pas me saluer à nos rencontres l'éloigne encore plus de ma liste des amis et proches. Elle est ma sœur, seulement sur mon arbre généalogique. Je ne m'étais pourtant pas étalé sur la rencontre, mais la mère de la demoiselle avait monté un stratagème pour surprendre sa fille, en me faisant passer pour un peintre. J'avais de bonnes facultés en peinture, même s'il était vrai que je préférais de loin les croquis. Je devais me présenter à Raya comme peintre pour sa portrait officiel. Je me réjouissais quelque peu de l'idée, mais comment allait-elle le prendre ? Je ne la connaissais pas, et si elle me renvoyait comme elle l'avait fait à cette soirée, je me sentirais comme un fruit. Et puis, aux vues des à priori qu'elle devrait déjà avoir, je suis bien !
Mais trêve de penser, il me fallait me préparer. Des vêtements simples mais élégants sur le dos tel qu'un pull en laine fin moutarde, et d'un pantalon cintré bleu/vert plutôt sombre. J'avais attrapé mon carnet à croquis, et des fusains. Non, je ne peindrais pas aujourd'hui ! J'avais décidé que je ferais un croquis d'elle, et que, seulement chez moi, je peindrais son portrait. Je suis en quelque sorte pudique vis-à-vis de mon art, je n'aime pas que l'on m'épie lorsque je dépose ces couleurs sur une toile blanche. Je suis vite troublé il faut dire aussi, que ce soit en peinture ou dans la vie de tous les jours. Il est vrai que ce n'est pas digne d'un Taborski, mais je suis comme ça, et je ne changerais sûrement jamais. Jetant mon carnet dans une besace en cuir, je décide de partir, me rendant au Palais.
~~~
J'attendais dans ce salon immense et chaleureux, l'arrivée de la belle. Le bois de rosier, mélangé à un rose délicat se marient extrêmement bien, et j'admire toujours autant les détails déposés ici et là, plus ou moins subtils. Chacun nous rappelle que je me trouve bel et bien dans le palais Impérial. La rose y est aussi présente que le cerf ne l'était au château Taborski en Pologne. Je me trouvais en plein cœur du Royaume. Mais un grincement de porte me fit sortir de mes pensées, et me fit sursauter, alors que je me trouvais tout près d'une fenêtre donnant sur le jardin. Mon regard vrillant sur la porte, dévoila une femme d'une cinquantaine d'années, ma tante.
"
Aloïs, elle ne va pas tarder à arriver, tiens toi prêt, et droit ! D'accord ?!"
J’acquiesçais tout en dessinant un sourire discret sur mon visage. Ma tante et moi, on avait gardé cette proximité, que l'on avait depuis mon enfance, et avant qu'elle n'aille vivre avec son époux. Une question pourtant me trottait dans l'esprit, et je ne pouvais le garder pour moi.
"
Penses-tu qu'elle ne va pas me repousser ?"
"
Mais non bougre d'âne ! Tout va bien se passer, il lui faudra sûrement un peu de temps, mais tout ira bien !"
Je n'avais jamais été un bon amant. Maladroit comme pas deux, il n'y avait qu'avec Serena ou je me sentais bien, sa maladie ne me dérangeait pas, c'était sa personnalité qui m'attirait, et non pas ses jambes inertes ! Mais depuis qu'elle n'était plus là, il fallait me reconstruire, et me prendre en main. La porte se referma, et j'attendais. Les questions se bousculaient dans ma tête "Mais si elle me trouvait trop vieux ? Et si je la dégouttais ? Comment ferais-je ?!" Perdu dans mes pensées, j'avais ouvert mon carnet, dessinant de petits oiseaux sur des branches d'arbres. Qu'est ce que j'aimerais être un oiseau...