(2006) Ses doigts effleurèrent les pétales de la rose blanche. Lyssa n’aimait pas cette couleur, elle rêvait de les peindre en rouge comme la reine de cœur, mais elle n’en avait pas l’autorisation. On le lui avait répété des milliers de fois suite aux nombreuses fois où elle l’avait fait. Lyssa ne comprenait pas pourquoi on lui refusait ce détail. Les roses rouges étaient plus belles, elles ne semblaient pas aussi délicates comme les blanches. Aux yeux de Lyssa, le rose rouge était synonyme de pouvoir, de grandeur. Elle préférait les roses rouges. Sur un excès de violence, elle écrasa la rose dans sa main droite jusqu’à ce qu’elle l’arrache complètement de sa tige. Pendant un moment, son regard contemplait la fleur écrasée dans sa main jusqu’à ce qu’elle laisse tomber celle-ci au sol. Une fleur blanche de moins. « Qu’est-ce que tu fais ? » Son regard était toujours rivée sur la fleur au sol et ce n’est qu’après un court instant qu’elle décida de regarder son cousin. « Rien. » répondit-elle simplement en s’avançant jusqu’à lui. Il était impossible qu’il n’ait pas vu la fleur au sol, arrachée. « Très bien. Viens avec moi, je dois te montrer quelque chose. » Lyssa était curieuse, elle désirait savoir ce qu’il avait à lui montrer. Elle se doutait bien que ce n’était pas un tour de magie, la magie l’entourait depuis sa naissance. Lyssa en voyait depuis sa naissance. Elle savait faire la différence entre sa magie et celle des magiciens. Son cousin lui tendit la main de laquelle elle s’emparait très vite. « Ferme tes yeux. » Lyssa faisait confiance à son cousin, mais pas au point de fermer ses yeux lorsqu’il lui demandait. « Non. » répondit-elle rapidement en secouant la tête. Puis, elle termina par le faire en laissant son cousin lui cacher les yeux de ses mains. Lyssa marchait prudemment, en se fiant à son ouïe. Lorsqu’une branche se craqua sous son pied, elle se savait quelque part dans la forêt qui ornait telle une forteresse la maison familiale Feuerbach. « Tu peux ouvrir. » Il ne fallait pas lui dire à deux reprises. « Qu’est-ce que c’est ? » Il se tenait devant elle, un pendentif suspendu à ses doigts. « Pour toi. Pour ton anniversaire. Lorsque je l’ai aperçu, je savais qu’il devait t’appartenir. » Une chaîne argent orné d’un médaillon qui représentait une flamme. « Merci. » Lyssa souleva sa chevelure blonde afin qu’il puisse lui attacher autour du cou.

(2012) « Et plus tard, tu épouseras une personne digne de ton nom. » Les mots lui revinrent en mémoire tandis qu’elle se figeait sur place. On lui avait toujours répété qu’un jour, cela allait arriver. Que c’était comme cela dans toutes les familles pures. Que c’était important pour celles-ci puisque cela assurait la continuité de leur sang. De ce sang pur comme un diamant parmi les impures et les bâtards. Elle avait toujours été curieuse de savoir avec qui, ses parents avaient décidés de donner la main de leur fille. Qui serait l’heureux élu ? Sa curiosité s’était accroître avec les années, elle savait qu’après son 17ème anniversaire, on lui révélerait le prénom lors d’un souper. Tous les membres de sa famille semblaient autant excités que Lyssa puisqu’elle était la dernière du clan Feuerbach à qui cela arrivait. Après son anniversaire, Lyssa attendait impatiemment qu’on lui révèle un souper organisé en son honneur. Puis, les jours, semaines et mois s’écoulèrent jusqu’à ce qu’une servante lui chuchote à l’oreille que sa famille organisait un repas. Quelques jours avant ce repas, la jeune Feuerbach commença à paniquer. Elle n’avait pas d’idéaux sur l’amour, elle ne rêvait pas du prince charmant puisque celui-ci n’existait pas dans la vie réelle. Mais elle était terrifiée que ce mariage soit le pire de tous les mariages arrangés. Elle ne voulait pas être la femme qu’on agit devant les autres comme un trophée. Il lui fallait être l’égale de cet homme. « Tu épouseras une personne digne de ton nom. » Les mots rejouaient dans sa tête sur répétition. Dix-sept ans et sa destinée était déjà promise à quelqu’un. Dix-sept ans et elle devait se faire à l’idée d’être la future femme d’un Fuchs. Ce n’était pas la chose la plus horrible au monde. Les clans s’entendaient bien. Mais elle avait l’impression qu’on lui arrachait un choix. Son choix. Toute sa vie, on lui avait répété ce qu’on attendait d’elle. Épouser un sang-pur. Un homme digne de son rang. Un homme digne d’avoir une Feuerbach comme épouse. Mentalement, elle s’y était toujours préparée. Encore plus lorsqu’elle voyait les autres membres de sa famille être promis à d’autres purs. Une fois, elle avait été jalouse de sa cousine parce qu’elle aussi désirait connaître l’identité de son futur époux. Maintenant, elle savait. Josef Fuchs. Lorsque son regard s’était posé sur lui, Lyssa avait simplement ressenti une certaine hostilité à son égard. Lui qui était là, vêtu de noir avec ses bijoux dorés. Il ne lui faisait pas peur, mais mise à part une hostilité à son égard, elle ne ressentait rien pour lui. Elle le lui avait bien fait comprendre bien qu’elle dissimula sous un sourire faux. Il était impossible pour elle de revenir en arrière. Admettre qu’elle n’était pas prête pour ce mariage était aussi impossible. Pourtant, elle n’était pas entièrement prête. Elle aurait aimé avoir une année supplémentaire. Pour mieux se préparer et y faire face. Josef Fuchs. Cet homme plus âgé de quelques années d’elle. Celui qui disait adieu à sa liberté d’homme pour épouser la dernière Feuerbach de la branche majeure. « Tu épouseras une personne digne de ton nom. » Les mots étaient apparus une dernière fois dans sa tête avant qu’ils disparaissent pour toujours. On ne pouvait plus lui dire ces mots. Apparemment, cette personne digne d’elle était Josef Fuchs. Elle devait seulement se faire à l’idée. Un jour, elle allait s’y faire, c’était certain. Un jour, Lyssa allait percevoir Josef comme étant cette personne digne d’elle comme elle devait être digne de lui. Ils ne devaient pas faire honte à leurs familles.

(2014) « C’était beau. De qui était-ce ? » Sa voix résonnait dans la pièce où elles se trouvaient toutes les deux. Du plus loin qu’elle se rappelle, elle avait toujours aimée écouter sa sœur aînée jouer de ses instruments. Magdalena y était douée comme elle était douée dans l’art de la guerre. Ses doigts étaient gracieux sur les cordes du violon tout comme ils l’étaient sur celles de l’harpe. Plus petite, Lyssa était convaincue que la musique qu’interprétait Magdalena était en mesure de raconter une histoire. Aujourd’hui, elle le pensait de moins en moins bien que ce soit toujours un véritable régal pour ses oreilles de l’entendre jouer. « Tu es en retard. » Oui, elle l’était, mais elle n’avait pas voulu que ce soit le cas. Elle avait pris conscience de son retard, deux minutes auparavant. « Je sais, pardonne-moi. » Elle savait que Magdalena allait lui pardonner. Elle lui pardonnait toujours. Puis, Magdalena était comme une sorte de seconde mère pour Lyssa. Sa grande sœur l’aidait toujours et maintenant, elle s’assurait que la dernière trouve sa place au sein du clan Feuerbach. Place que Lyssa avait toujours eue de la difficulté à trouver sa place. C’était flou. Lyssa se sentait, parfois, comme une étrangère parmi les membres de sa famille. Ce n’était pas normal. Ou peut-être l’était-ce ? Lyssa n’en avait aucune idée. « Tu es prête ? » La voix de Magdalena parvenait enfin aux oreilles de la jeune Feuerbach, la sortant de ses pensées. Était-elle prête à apprendre l’art de la guerre? Cet art pour lequel sa famille était douée? Ils y excellaient tous. Lyssa aussi, en quelque sorte. La seule différence était que contrairement aux autres, elle ne s’y intéressait pas plus qu’il le fallait. Pourtant, elle était douée. Les gens n’y croyaient pas, mais elle savait se défendre et se débrouillait aux combats avec des armes blanches. Aux combats ordinaires aussi. Puis, les exercices que Magdalena lui demandait de faire donnait l’impression à Lyssa qu’elle s’approchait peu à peu d’enfin trouver sa place. Celle qu’elle méritait parmi les membres de sa famille. C’était important pour les Feuerbach. Et pour Lyssa aussi. Elle voulait trouver cette place où les membres de sa famille ne pourraient plus se sentir supérieurs à elle. Cette place qu’elle méritait tant. Celle qui allait lui permettre d’avoir une certaine approbation de ses parents. De ses pairs. Ne plus être ce mouton noir, ce soldat qui a de la difficulté à rentrer dans les rangs. Elle qui s’est longtemps perçu comme étant une étrangère. Elle ne serait plus la désapprobation de sa famille, ce fardeau qui refuse de s’intéresser à un art auquel elle devait exceller. « Oui. » répondit-elle en se préparant mentalement. Lyssa l’était depuis ce matin, mais elle ressentait toujours l’urgence de se préparer mentalement. C’était important afin que Magdalena soit fière d’elle. Des efforts qu’elle mettait dans tout ce qu’elle lui demandait de faire. Sa sœur aînée s’était contentée d’hocher la tête puis la suite, Lyssa savait. Elle devait faire ses preuves. Lorsque le combat débutait, Lyssa pouvait se montrer violente. Elle avait tendance à oublier la fragilité dont elle pouvait faire preuve et donnait l’impression d’être née pour combattre. À la fin de cet entraînement, Magdalena souriait. Elle avait réussi à rendre fière sa sœur aînée, c’était une bonne chose. Magadalena était fière d’elle. Aux yeux de Lyssa, cela signifiait qu’elle s’était améliorée depuis le début.