elle avait du mal à manger, ce matin là. elle ressentait une sensation étrange dans le ventre; un nœud qu'elle ne savait expliquer. pourtant, un sourire était niché sur ses lèvres. un sourire discret – presque imperceptible, mais bien présent. son visage dégageait une sorte d'illumination que l'on n'avait pas vu chez elle depuis quelques années déjà. elle n'aurait su expliquer, parce que c'était devenu étranger. evanna n'avait plus l'habitude, bien trop enfermée dans la carapace qu'elle s'était forgée petit à petit, avec le temps. malgré son tout jeune âge, elle oubliait déjà ce que c'était de goûter à quelque chose d'un temps soit peu positif. ce matin là, à la table familiale, elle se laissait aller. le regard plongé dans son assiette, elle n'y portait néanmoins pas autant attention que ça. sa fourchette survolait les différents aliments s'y trouvant, distraitement. evanna se sentait étrangement bien. les gazouillis présents au creux de son ventre étaient synonyme d'excitation, d'impatience. le grand jour était enfin arrivé. ce n'était plus qu'une question d'heures – de minutes – avant son départ pour goldadler. elle ne s'était même pas rendu compte à quel point elle attendait ce moment, avant d'ouvrir les yeux aux aurores. elle ne pensait pas être l'une de ces personnes; studieuses et passionnées d'apprendre. elle lisait, mais on ne pouvait pas la qualifier de rat de bibliothèque pour autant. c'était autre chose. son éducation avait déjà commencé. elle ne mettra pas les pieds dans cette établissement par hasard. elle ne sera pas subjuguée par ce qu'elle verra ou apprendra. sa magie est déjà presque totalement maîtrisée. ou du moins, elle a déjà trouvé sa technique. elle sait parfaitement ce qu'elle fait, parce que rien n'est jamais laissé au hasard chez les rosenwald. c'était autre chose. elle releva les yeux, une seconde à peine. ça avait pourtant suffit pour croiser le regard de sa mère. helmina n'avait pas besoin de parler pour se faire comprendre. evanna savait. elle savait pertinemment ce qu'il se passait dans la tête de sa mère, à cet instant précis. c'était toujours la même rengaine, après tout. il ne fallait pas décevoir helmina rosenwald. il fallait être impeccable, toujours. digne de porter son nom, surtout. aucune erreur n'était permise; elle ne les a pas élevé comme ça. le visage d'evanna s'assombrit pour retrouver son air habituel. ce n'était plus qu'une question de minutes avant qu'elle ne jouisse d'une liberté qu'elle n'avait jusque là jamais touché du doigt. ce n'était plus qu'une question de minutes, mais pour le moment elle restait sous le regard attentif de sa mère.

on ne la prenait pas au sérieux, au début. elle s'était déjà retrouvée en face de personnes qui lui avaient  littéralement ri au visage. elle se contentait de froncer les sourcils, sans un mot. ils ne savaient pas. ils n'étaient que des humains, persuadés d'être le centre de l'univers. ils vivaient dans la plus grande ignorance. non seulement ne savaient-ils pas qui elle était, mais ils n'avaient également aucune idée de tout ce que pouvait renfermer ce monde. alors ils riaient, comme des imbéciles. elle avait eu du mal à se faire un nom – aussi ironique cela puisse-t-être – face à de tels ignares. elle n'était qu'un jolie visage à la recherche d'adrénaline, désirant jouer dans la cour des grands. vous ne trompez personne, vous savez? l'espace d'un instant – quelques secondes à peine – elle crut à l'un de ces hommes se croyant plus forts que tout. elle se retourna, faisant désormais face à son interlocuteur. un simple regard suffit à lui indiquer qu'il ne s'agissait pas de ça. vous devriez faire attention à vous. l'endroit n'est pas très fréquentable, il fit une pause, assez brève. quelque chose passa dans le regard de cet homme; de l'arrogance. prin– evanna leva la main. un simple geste ayant pour but de l'interrompre. le sourire naissant s’effaça du visage de l'homme en face d'elle. elle lui avait littéralement couper la parole. il avait beau ouvrir la bouche, aucun son n'en sortait. elle n'avait pas besoin de gestes brusques. sa magie était désormais totalement maîtrisée. elle n'avait besoin d'aucune dépense d'énergie inutile. il lui suffisait de banals mouvements de main, passant totalement inaperçu. ai-je l'air de vouloir me fondre dans la masse? ils se trouvaient dans une vulgaire ruelle du berlin humain. elle s'y était installée – au sens figuré, évidemment – quelques années auparavant. les humains n'avaient certes aucune idée de qui elle était, mais avec le temps, elle se rendit compte qu'elle n'était pas la seule sorcière à fréquenter les lieux. pourtant, elle ne cherchait pas à se cacher derrière de quelconque déguisements; elle n'en voyait pas l'utilité. je n'ai nullement besoin de conseils provenant de personnes telles que vous. ce n'était pas la première fois qu'elle rencontrait cette homme. elle l'avait déjà croisé à de plusieurs reprises, ici-même. elle avait des doutes le concernant. voilà qui répondait à ses interrogations. ce n'était pas la première fois qu'elle rencontrait cette homme, mais c'était la dernière fois. il mourut d'une overdose dans la nuit.