WE WERE BRIGHT AND YOUNG

Mais c’est infect ! Les mots s’étaient échappés naturellement des lèvres roses de la petite blonde  alors qu’elle poussait une courgette du bout de sa fourchette en or gravée aux armoiries familiales. Voyons Raya, ce n’est pas poli de faire une remarque sur la nourriture. Finissez immédiatement votre assiette ! La nourrice fronça les sourcils d’un air supérieur, laissant fuser sa voix dans la salle à manger exigüe. La petite fille vrilla ses yeux clairs sur le sol d’un air affable, au fond profondément agacée et vexée par le ton supérieur qu’avait prit sa nouvelle préceptrice. C’est alors qu’elle sentit une main chaude et rassurante se faufiler sous la table pour lui effleurer le genou. A travers son rideau de boucles dorées elle aperçu son nique frère, sa moitié, Lissander. Le jeune garçon de douze ans seulement faisait déjà une tête de plus qu’elle. Là où elle rayonnait de sa chevelure d’or blanc et de ses yeux verts d’eau, lui semblait absorber toute la lumière du monde dans ses yeux noirs d’encre et ses cheveux foncés. Ils avaient tous deux hérités des traits fins et du teint adamantin des Rosenwald. Ils formaient un duo si différent mais d’une beauté saisissante. Lissander lui adressa son plus beau sourire, éclair de franchise sur un visage juvénile déjà peu habitué à l’honnêteté. Si ma sœur ne veut pas manger ça, préparez-lui autre chose. Son sourire avait viré en un rictus mauvais, une moue mi effrayante mi séduisante que son visage semblait être formé pour afficher. . Jeune homme ce n'est p... Le jeune sang bleu n'est pas un habitué des refus, ni de la patience. Une lueur commune à beaucoup de membres de sa famille s'alluma dans ses yeux sombres et soudain l'assiette en porcelaine pleine de ragout atterri dans le visage de nourrice. Vous pouvez lui préparer autre chose maintenant. Raya observait son frère avec une certaine satisfaction. Du rose s'épanouissait sur ses joues pâles, elle était étrangement ravie de l'attention de son frère. La préceptrice retira les restes de nourriture sur son visage et s'exprima d'une voix glaciale . Et vous pouvez oublier le défilé militaire auquel je devais vous mener demain matin. Raya poussa une petite exclamation étouffée, Lissander lui parlait de cette démonstration militaire depuis des jours. Il lui semblait tellement injuste que cette moins que rien puisse l'en priver. Elle en parlerait à mère, cela ne se passera pas comme ça. Personne n'est au-dessus des Rosenwald. Tandis ce que la femme sortait de la pièce, allant chercher une nouvelle platée, la petite fille planifiait déjà sa prochaine action. Tous ses professeurs et ses amis dépeignaient un parfait portait d'elle, polie discrète, toujours sage, elle était une joie pour chaque adulte la côtoyant. Ainsi quand le lendemain tous les sous-vêtements de sa préceptrice furent retrouvés pendus dans la cours principale, personne ne pensa à l'accuser. Seul le grand sourire heureux qu'elle afficha toute la journée après que son frère fut venu lui embrasser la joue d'un air entendu aurait pu la trahir.

WITH OUR SWEET GAMES

Elle a quinze ans, de longs cheveux blonds et des yeux vivants. Jeune descendante divine, elle développe ses pouvoirs de plus en plus, utilisant de cadeau fait par son sang avec émerveillement. Aujourd'hui elle auditionne pour l'orchestre de la ville, elle sait que ce n'est qu'une formalité, mais elle a envie de montrer qu'elle peut réussir même sans l'utilisation de son nom. Elle observe seule tous les autres concurrents auditionner, tous tour à tour assis sur une chaise au centre de la scène, leur instrument fiché entre les mains comme si ce dernier menaçait de s'envoler. . Raya Rose ? Son nom d'emprunt retentit dans l'amphithéâtre tandis ce qu'elle se dirigeait d'un pas souple mais nerveux vers le petit siège noir. Elle s'y assit, sentant tous les regards sur elle, elle se sentait si minuscule ici loin des murs de sa maison et du regard de son grand frère. Elle prit son violon en main, le posant délicatement sous son menton, saisissant son archer fermement et inspira un grand coup. C'est alors que sous les yeux de ces inconnus, loin du regard de ceux qui importe, la petite Raya se transforma. La discrète et timide jeune fille se leva au premier coup d'archer, les yeux mi-clos elle entama une mélodie enivrante et saccadée. Chaque mouvement de son poignet relâchant un peu de son pouvoir dans la salle, l'atmosphère devint vite grisante. Elle évoluait sur la scène en tournoyant, ondulant doucement des hanches en rythmes, progressant au son de la mélodie qui se déversait de ses doigts. Si les Rosenwald descendaient des dieux, Raya tenaient ces pouvoirs d'une muse. Quand vint les dernières notes qui s'échappèrent de son violon en un ultime cri plaintif et abrupt, elle baissa royalement la tête, une jambe élégamment tendue en avant dans un salut princier. Lorsqu'elle releva la tête tous la contemplaient sans un mot. Elle sentit le regard des garçons sur elle, pleins d'envie.  Quelques pas de danse et la proie tombe murmura-t-elle pour elle-même.


BUT THE WATER CAME

Ainsi voici notre nouvelle demeure Raya observa les murs de ses nouveaux appartements, en plein cœur du palais impérial à Berlin. Le marbre blanc cohabitait élégamment avec bois précieux et tentures de velours. La jeune femme en parcourait chaque recoin, voulant tout voir, tout toucher. Son violon fidèlement posé dans son étui pourpre l'attendait sur son lit paré des couleurs familiales. Elle posa une main contre le marbre froid prêt de la grande fenêtre menant sur une cours intérieure délicieusement arborée. Tout dans ce palais était un paradis d’opulence et de bon gout. Raya se demandait comment la violence et la haine avait pu s'introduire entre les murs de ce sanctuaire. Elle se demanda combien de temps il avait fallu pour retirer le sang pourpre des siens sur ce beau marbre immaculé. Alors tu viens voir ma chambre ? Raya tourna la tête pour trouver sa cousine Mia, nonchalamment posée dans l'angle de la porte. Les deux filles n'avaient que quelques jours d'écart et avaient toujours été très proches. Un sourire étira les lèvres de la blonde, appréciant la compagnie solaire de sa meilleure amie. De ton hôtel particulier tu veux dire ? Je parie que tes appartements sont aussi grands que Goldadler ! L'immensité de cet endroit l'effrayait énormément, il existait trop de manières d'y pénétrer. Mais il existait surement beaucoup de manières d'en sortir. Bon c'est vrai que c'est un peu plus grand qu'ici... Cela ne t'effraye pas ? Sa cousine haussa les épaules, comprenant directement de quoi Raya parlait. Et s'il y avait une nouvelle révolte ? Et s'il fallait de nouveau fuir ? Elle ne pourrait jamais vivre si quelque chose arrivait à sa famille.  Et si on allait voir la salle de musique plutôt ? Ah la fourbe savait comment appâter Raya. Les deux musiciennes de la famille s'observèrent avec une petite lueur d'excitation dans les yeux. Elles cheminèrent ensemble dans les couloirs en bavardant gaiement du dernier récital auquel elles ont assisté. Néanmoins Raya cataloguait mentalement chaque porte, chaque fenêtre, chaque tournant suspect sur leur chemin. L’insouciance de sa cousine l'ayant confirmé dans sa conviction, dès demain elle explorerait ce palais de fond en comble, jusqu'à en découvrir tous les secrets. Les gens aimaient Raya pour cela, elle savait écouter les gens et garder tous leurs mystères. Elle savait observer aussi, et bientôt, elle serait maitriser ce bâtiment comme elle maitrise tous ceux qui l'entourent. C'était comme ça que les choses étaient dans la famille de la Rose : tous ceux qui ne sont pas eux sont des ennemis. La protection de la famille passe avant tout.


AND IT’S YOU AND ME AGAINST THE STORM
 Enchanté. Laissez-moi vous dire que vous êtes éblouissantes dans cette robe. L’une des plus belles femmes de la soirée, soyez-en certaines. Un feu étrange s'empara de Raya et du rose lui monta aux joues, détonnant avec l'argenté de sa robe vaporeuse laissant paraitre ses épaules laiteuses. Les mots de son frère raisonnaient à ses oreilles bien différemment ce soir, alors que ces paroles, ces compliments qu'ils ne réservaient qu'à elle étaient prononcés pour une autre femme. Raya plissa les yeux en observant la jeune Dulac éclater une rire ridiculement mignon, l'angoisse s'emparant de son cœur. Elle se demandait à chaque jeune femme que leur mère présentait à Lissander, si ça serait celle-ci qui éloignerait son frère d'elle. Elle n'était pas dupe de cette épée de Damocles qui se balançait également au-dessus de sa tête. Cette sentence des fiançailles, cette condamnation prononcée PARFOIS même avant qu'ils ne soient nés. Elle s'était faite une raison bien sur. L'amour est la seule chose qu'eux les royaux ne pouvaient s'offrir.

Raya s'éloigna vers le bar, à la recherche d'un verre de jus. Sa morphologie et son peu d'expérience lui interdisait de consommer de l'alcool en public. Elle avait une réaction bien trop violente à l'ivresse. Elle devait donc se contenter de noyer son chagrin dans son verre de jus de pomme pamplemousse. Une vingtaine de minutes passa, où oubliant un instant l'objet de ses soucis elle s'appliqua à adresser un mot à chacun des invités que sa mère avait qualifié "d'importants'. Elle se fatigua vite et automatiquement son regard commença à traquer les hautes épaules de son frère ou bien les cheveux clairs et brillants de sa cousine Mia. Les voyant absents tous les deux, la jeune femme soupira. Elle n'avait jamais réussi à se forger un avis sur la situation dans laquelle était coincée les deux êtres qu'elle aimait le plus au monde. Elle connaissait les penchants coupables de sa cousine et n'ignorait bien sur pas les pulsions qui possédaient son frère. Cette relation était donc pour elle la résolution d'une équation logique. Mia était une bonne chose pour Lissander, lui permettant d'expier les passions qui le tourmentent. Trop souvent témoin des tourments de Lissander, Raya ne pouvait qu'approuver. Elle savait que son frère n'appartiendrait jamais à personne d'autre qu'elle. Le contraire était aussi vrai. Il pouvait faire tout le mal qu'il voulait à Mia, jamais il ne toucherait Raya, jamais il n'oserait ébrécher sa perfection. Ainsi quand sa mère lui demanda de quérir son frère, elle su où les chercher. Elle se contenta de toquer discrètement Lissander, maman te cherche, elle veut que tu viennes dire au revoir aux invités Elle n'attendit pas sa réponse et retourna elle-même à son devoir d'hôte. Plus tard dans la soirée, quand il vint lui prendre la main pour l'escorter vers leurs appartements, elle lui adressa le plus beaux des sourires, ne lui faisant aucune remarque sur Mia ou bien sur la demoiselle Dulac.