En quoi a consisté ma vie à part constamment essayer de trouver ma place dans ce grand monde ?
Tout paraît si tranquille, si hors du temps dans le fastueux domaine des Fuchs à Stuttgart. J'y suis né il y a maintenant dix-neuf ans. Je fus en quelque sorte un enfant surprise, que l'on attendait pas vraiment, cadeau ou farce des dieux pour mes parents. Mon père était déjà satisfait, avant moi il avait eu deux fils et deux filles. Et voilà que je pointai ma frimousse pour compléter le tableau, dernier né d'une tribu de frères, de sœurs et de cousins.  

Toute mon enfance a été baignée dans une forme d’insouciance, protégé dans ma tour d'ivoire des affres du communisme et des querelles au sein de la république. Je fus un enfant assez turbulent, soit dans les jupes de mes sœurs pour réclamer de l'attention, soit en train de préparer une bêtise. A cette époque, j'étais aussi plus démonstratif qu'aujourd'hui. Je passai facilement des rires aux larmes ou aux cris de colère. Mais avec le recul des années, je réalise que ce que j'aime le plus chez moi, c'est ma faculté à m'émerveiller de tout. J'avais cette fabuleuse qualité avant et je l'ai conservé jusqu'à aujourd'hui. Petit garçon, les cheveux toujours décoiffés et les yeux brillants, j'observai le monde et ses merveilles. Après tout, comment ne pas s'émerveiller devant les créatures magiques ou non peuplant les réserves des Fuchs ou bien devant l'exécution d'un sortilège ? Je me souviens qu'un jour, j'étais allé dans une librairie humaine et j'y avais parcouru les pages d'une bande dessinée. En fait, ce qui était tout à fait incroyable, c'est qu'à cet instant j'ai réalisé que j'étais un super-héros ! Dans mon esprit je fus un super-héros longtemps avant que ma famille n'arrive à me sermonner pour me dire que j'étais un sorcier. J'assimilai finalement cette information plutôt facilement, un sorcier c'était cool aussi. Et bien entendu, j'essayai à tout prix de faire les mêmes choses que mes frères et sœurs plus âgés.

Mon cursus à Goldadler fut une autre étape importante de ma vie, où je dus notamment apprendre à être tout à fait indépendant. Je crois que là bas j'y ai gagné toute ma maturité, mais tout en conservant au plus profond de moi une âme d'enfant. A l'école, je n'hésitais pas à de mander de l'aide à mes frères ou à mes cousins afin de m'aider à réviser les examens. Après tout, ils étaient plus âgés que moi, donc à un niveau plus avancé. Et il fallait bien qu'ils me servent à quelque chose ! Plus sérieusement, je crois m'être épanoui à Goldadler. Cela m'a permis de mieux connaître les enfants des autres familles sorcières, qu'elles soient pures ou mêlées. J'y voyais là comme un moyen de constituer le réseau qui serait le mien dans ma vie d'adulte. C'est à l'école que se constituent les premières amitiés ou rivalités près tout, et ce dans un milieu différent du cocon familial. De plus, étant vraiment investi au sein du club de duel, j'avais acquis une petite popularité ce qui était loin de me déplaire...

Une fois ma scolarité achevée, je fus rapidement envoyé à l'étranger pour parfaire mon apprentissage avec la découverte d'autres cultures. C'était aussi un moyen pour moi de mieux découvrir les arcanes des affaires commerciales des Fuchs à l'étranger. J'étais l'assistant de mon père ou de l'un de mes oncles au cours de ces aventures, et ce fut extrêmement formateur. Après réflexion, je me dis que dans ces voyages, il y avait peut-être une volonté de ma famille de m'éloigner pour ma propre sécurité. La République allemande vivait ses derniers jours, c'était un astre mort destiné à être évincé de toute manière. Mais dans tous les cas les tensions en Allemagne signifient que j'avais peut-être été envoyé plus souvent à l'étranger à cette période pour cette raison.  

Que dire de l'annonce de mes fiançailles... Je m'y attendais, mes frères et sœurs étaient passées par là avant moi. Tel un couperet le verdict est tombé : j'épouserai une jeune fille de la famille Wolffhart, et ce afin de sceller un rapprochement avec nos voisins du Nord. Cette jeune femme je la connaissais. Elle n'avait qu'un an de plus que moi et j'avais certainement du la voir à Goldadler. Quand bien même, je n'arrivai pas à m'imaginer cette jeune Wolffhart comme ma future épouse. Cela me paraissait bien irréel, comme tout droit sorti d'un rêve. Après l'annonce, j'allai dans ma chambre, me jetai sur mon lit et enfoui ma tête dans les oreillers pour hurler un peu dedans. Ça eut le don de me calmer rapidement. Ce mariage, c'était mon devoir envers ma famille, je devais l'accepter. Me voulant un brin philosophe, je relativisai. Il me restait encore quelques années dé célibat et je devais en profiter pour construire ma vie de jeune adulte seul.

L'année dernière, les impérialistes renversèrent la république déclinante. J'accueillis la venue de ce nouveau régime avec un certain enthousiasme. Les familles de sang pur seraient toujours mieux considérées sous un pouvoir impérial après tout. Je suis un peu plus mitigé quant aux Rosenwald... Certes il s'agit de l'ancienne famille impériale, et concernant Helmina Rosenwald, si elle est arrivée là où elle est aujourd'hui c'est que son intelligence politique doit être grande.
Mais nous la famille Fuchs, nous regardons aussi en direction du puissant lion Löwewald, nos alliés depuis de nombreux siècles. Outre mon soutien politique, je ne peux m'empêcher d'avoir aussi un regard affectif vis à vis de cette famille qui est celle de ma mère dont j'ai toujours été si proche.

Je suis encore bien jeune, et déjà je sais que mon existence me réservera bien des péripéties et des aventures. Et même si ma vie d'enfant est derrière moi, j'en chérirai toujours les souvenirs. Je suis un adulte à présent, je me sens prêt à être moi-même et à trouver ma voie dans ce monde si grand pour un petit renard comme moi...