Souillée. Impure. Mêlée. Après mes deux frères, je n'échappe pas à la règle. Et le dernier de cette fratrie non plus. Notre sang n'est pas plus pur que celui de nos parents. Pourtant, ce n'est pas faute de ne plus céder face à ces personnes dénuées de toute magie. Quelle erreur ! Je n'échappe pas non plus à cette malédiction lancée sur notre famille qui se retrouve être déchue de sa pureté, suite à la faiblesse de certains ancêtres. Impossible de faire marche arrière. Impossible de recoller à ce pourpre qui nous est interdit. Au mieux, on ne peut que diluer cette infamie sanguine, mais elle sera toujours présente. Critiquée. Pointée du doigt pour des actes que je n'ai pas commis, mais que je traine derrière moi comme un vulgaire boulet. Des êtres qui sont misérables à mes yeux. Je ne sais pas ce qui a bien pu se passer dans leur tête. Pensaient-ils seulement à ces conséquences à travers leur égoïsme ? J'en doute. Sincèrement, j'en doute. Notre place auprès des plus purs n'est plus. Les Badstuber ne sont plus que des pions. De vulgaires pions, que certains de ces purs s'amusent à déplacer sur leur échiquier. Un grand n'importe quoi, dont on paie le prix au plus fort. Toute ma vie a été marquée par cette différence entre purs et mêlés. Et pourtant, heureusement qu'on fait partie de ces familles -bien que restant impures-, qui arrivent à sortir la tête hors de l'eau grâce à notre richesse sans nom. Elle n'est pas qu'une illusion, non. Cette fortune nous permet de toucher du doigt ces lettres de noblesse qui nous narguent depuis des années, sans les atteindre complètement. Mais, elle est loin de nous protéger de cette société qui aime à placer les individus dans des cases. Comment leur en vouloir ?

Être la seule fille d'une fratrie permet de se forger un petit caractère dont je ne suis pas peu fière aujourd'hui. Après, il n'était pas rare que face à des ennuis réellement coriaces et qui me surpassaient, je n'allais pas rejoindre mes ainés pour qu'ils me prennent sous leurs ailes comme toute petite soeur peut le faire. Les absences de Klaus ne rendaient pas notre relation fraternelle moins solide, bien au contraire. Cet ainé prenait son rôle bien au sérieux. Toujours encore d'ailleurs. Il n'avait pas besoin d'être toujours auprès de moi pour me protéger et pour qu'on soit bien complices à chaque visite de l'un à l'autre. Avec mes autres frères, c'était quelque peu différent bien que le fondement restait le même. Après, évidemment, les petites disputes restaient -et restent- inévitables. Une enfance des plus normales pour une personne telle que moi, au final. L'entrée à Goldadler est arrivée très rapidement. Une entrée qui ne nous a pas été impossible grâce à l'argent de la famille. J'ai bien conscience que cela a été une chance. Une aubaine pour laquelle j'ai tout de même travaillé très dur, le nez plongé sans relâche dans les livres pour être la plus performante possible et oser espérer apporter un peu de prestige à notre nom souillé avec des résultats exemplaires. Les gamins, entre eux, peuvent se montrer très cruels. Je n'y ai pas échappé. Mais, je m'en suis bien sortie. Entourée par mes frères, par des amis sur lesquels je savais que je pouvais me reposer et le tout, accompagnée de ma force de caractère digne d'une Badstuber, j'étais suffisamment forte pour les combattre et ne pas me laisser faire. Du moins, je faisais au mieux..

Ma vie a pris un nouveau tournant il y a deux ans de cela. Cette idée de mariage, avec ce Vasilis plus âgé que moi de -tout de même- sept ans ne m'enchantait pas grandement. Mais finalement, il allait être une clé de réussite certainement réciproque pour nos deux familles. Ce mariage était une sorte de promesse pour un second entre nos deux familles. Lui, premier fils des Vasilis, devait se trouver une femme avant ses trente ans. Forcément, moi qui était la première -et seule- fille de cette branche majeure, j'étais la candidate parfaite pour ce rôle. Bien entendu, ce n'était pas dans l'idée de chercher à purifier ce sang souillé, mais bien à préserver au mieux ce qu'on avait alors grâce à une famille qui se trouvait un peu dans notre situation. De notre union allait ainsi découler celle de mon frère ainé, Klaus avec l'une de leur fille, Avra. Un mariage bien plus récent, avec d'autres enjeux bien entendu. Mes débuts de femme d'un Vasilis n'avaient vraiment pas été simples. Phillip et moi, on semblait tout simplement trop différents. Je voyais la vie différemment que lui, sans doute avec ces années de différence entre nous. Et je l'avoue : je ne faisais pas réellement d'efforts pour que cela se passe bien entre nous. Je ne cherchais pas tellement le dialogue, préférant vivre ces premières années dans la vingtaine sans me poser trop de questions. Même nos vies professionnelles n'avaient rien à voir l'une avec l'autre. Lui, était déjà bien installé alors que moi, je découvrais encore énormément de choses. Il y a eu des disputes. Beaucoup, d'ailleurs. Et pourtant, chacune d'entre elles ont eu le mérite de me faire ouvrir les yeux sur qui est réellement Phillip. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on forme un couple modèle, empli de niaiserie amoureuse. Les choses ont changé petit à petit. Le temps qui passe aide énormément pour ces situations-là. Certes, on se prend encore la tête. Souvent même pour des broutilles. Mais, on a le mérite de mieux se comprendre avec ces années de vie commune -et sa gueule d'ange aide énormément, il faut le dire-.

Les femmes Vasilis me fascinent autant qu'elles m'impressionnent. Je n'ai pas grandi dans ce schéma matriarcal qui règne dans cette famille. Moi qui me suis épanouie sous la protection de mes frères, je reconnais avoir besoin de ce sentiment protecteur qu'un homme peut apporter. Ce n'est pas remettre en question la force dont peut faire preuve une femme, mais j'ai toujours vécue ainsi. Qu'il est difficile de revenir sur des acquis.. Tout comme les Badstuber, cette famille regorge de mystères. Surtout avec leur rapport avec les Löwewald. Mais, tout semble normal, même si je suis loin de tout connaitre des histoires qui relient ce nom aux lions. Bien entendu, j'ai déjà eu quelques conversations plus poussées que les quelques bruits que j'ai pu entendre à ce sujet. En tout cas, avec tout ce qu'il se passe actuellement pour mes compagnons d'infortune mêlés, je dois avouer que c'est presque.. Effrayant. Les vrais coupables, de toute façon, ce sont les magiciens. Il ne faut pas chercher plus loin que ça. Comment de simples humains, sans aucune origine magique peuvent donc être capables de telles.. Prouesses magiques ? Ce n'est de loin pas juste.

Sur ces quelques paroles, je vais retourner travailler. Il le faut.