« once i was seven years old... » Sept est un chiffre important pour n’importe quel enfant. À l’école, c’est un signe qu’on sait lire, écrire et qu’on commence peu à peu à s’ouvrir au monde. On découvre toute la beauté du monde en gardant ce soupçon de naïveté qui nous habite tout en se découvrant soi-même. Un grand monde qui nous semble encore intouchable pour notre bas-âge. C’est une étape importante dans le développement de l’enfant. Notre mémoire commence à se rappeler de certaines choses du passé et elle se forge pour le futur. À sept ans, tu as déjà des visions. Tu es déjà frappé par ces drôles d’images qui t’emplissent la tête et qui te font perdre l’équilibre par moment. Des inconnus, de la magie, qu’est-ce que tout cela veut dire ? Tu ne sais pas exactement et cela ne te dérange pas le moindre du monde. Chaque fois que tu es inconscient trop longtemps, maman et papa sont présents à ton réveil, avec un verre de lait et des morceaux de chocolat. Parfois, tu te rappelles clairement de ces visions. Dans les moindres détails, la scène, le moment, tout te revient en mémoire. Parfois, il t’arrive également d’oublier, de ne pas te rappeler. « Maman, papa... est-ce que je sui normal ? » demandes-tu, après avoir bu une gorgée de lait. Tu n’arrives pas à déchiffrer leur regard. Tu essayes de comprendre ce qui se passe chez toi, voilà tout. « Mais non, Ludo. » Ta mère a toujours voulu te rassurer. Tout comme ton père qui s’empresse immédiatement de te dire : « Tu es né avec quelque chose de spécial. Ça n’arrive pas à tout le monde de naître avec une telle capacité. » Et ces mots seuls arrivent à te rassurer. Tu aimes tes parents et cela finit toujours par un câlin entre vous trois. Tu n’as qu’eux. Et pourtant, ce n’est pas plus grave que cela aux yeux de tes autres camarades. Il arrive à tout le monde d’avoir ses moments de faiblesse, pas vrai ? Tu ne comprends pas encore ce qui t’arrive.  Tu fais avec et tu endures. Tant que tu as le soutien de tes parents et tes amis de classe, pourquoi en faire toute une histoire ? Après tout, tu n’as que sept ans. Sept ans est encore un âge jeune. Il est encore temps de s’amuser et de ne pas y faire attention. Il est encore temps de t’amuser librement sans te soucier de ce qui pourrait arriver.


« once i was eleven years old... » Fini les découvertes du monde, le monde de la première dizaine est plus compliqué que prévu. Tout est différent. On te traite également différent et tu voudrais déjà être un adulte. Mais les choses pour toi sont plus complexes. Tu rates de plus en plus de cours, tu t’absentes énormément de tes classes et les gens autour de toi commence à s’inquiéter de ton état. Les pertes de connaissances sont désormais beaucoup plus intenses et longues, parfois. Une heure, deux heures, même. Et lorsque tu te réveilles, c’est un peu comme une panique. Un souffle, une respiration, un manque de temps. Tes parents ne savent plus quoi faire à ce sujet. Toi-même, tu voudrais essayer de trouver un moyen pour que tout s’arrête, mais les dons ne fonctionnent pas ainsi. Les visions sont aléatoires, de manière surprenante et à tout moment de la journée. Il t’arrive d’entendre tes parents le soir : « Il n’arrivera pas à terminer l’école... il faut se rendre à l’évidence et trouver une autre alternative, Anton. » dit ta mère à ton père. Ton père a toujours été très réflexif avant de passer à l’action, tout le contraire de toi. « Maria, j’ai lu quelque part que les journaux de bords pourraient aider à se rappeler. D’accord, on ne pourra régler les pertes de connaissance, mais l’aider à écrire ce dont il se souvient... » Il n’a rien d’une personne qui a la réponse magique à tout, loin de là. Il veut seulement aider son fils et cela se voit. Tu l’entends dans sa voix.
Quelques jours plus tard, te voilà avec un journal de bord. Au début, l’idée te semble assez simplette. Il est facile d’écrire, de concrétiser, mais est-ce que cela risque réellement de t’aider ? Malgré la réticence, une fois que tu as le journal entre tes mains et que tu te réveilles d’une vision plus ou moins affreuse, tu t’empresses de chercher le précieux carnet pour y détailler tout ce dont tu te rappelles. Du fusain, un crayon de plomb et du papier. Une période assez intense, chaque fois. Et puis, tu dois annoncer la nouvelle à tes parents, comme quoi tu n’as pas envie de leur en parler. Comme quoi tu préfères ne pas les embêter et que tu préfères les laisser en dehors de cela. « Je ne suis pas prêt à vous en parler. Et j’aimerais beaucoup que vous respectiez mon choix. Ne pas vous en mêler. Moi-même parfois, je ne sais pas ce que cela veut dire. Alors, je voudrais qu’on n’en parle peu, même si c’est une partie de moi. » Tu es le seul qui dois porter un tel fardeau...



« once i was twenty years old... » À vingt ans, on est censé profiter de la vie universitaire. On est censé être avec ses potes et traîner un peu partout dans les établissements publics. On a peut-être même déjà trouvé l’amour, mais pour toi, tout est différent. Tu n’as pas encore terminé tes études, mais tu t’es déjà trouvé deux petits boulots.
Le premier étant celui d’homme à tout faire dans un cabinet d’avocat situé dans le quartier de Berlin. Un charmant travail que tu prends très au sérieux, comme cela fait maintenant deux ans que tu as la chance de pouvoir faire parti de l’équipe en aidant pour des affaires et en classant plusieurs dossiers. D’ailleurs, il y a plus de choses à faire dans un cabinet que ce que l’on peut penser. Tu fais un peu de tout et tu es rémunéré de manière juste et tout à fait loyale. C’est un endroit dans lequel tu as beaucoup appris. Tu regrettes parfois de ne pas être allé plus loin dans tes études, mais tu n’as pas le choix. Tu n’avais pas le choix à l’époque, tu as raté trop de jours de cours et l’idée de reprendre les études est une chose qui est pour le moment impossible.
Le soir, tu t’es trouvé, vers la fin de la vingtaine, un boulot comme barman le soir, pour t’aider à vivre correctement. Tu ne détestes pas la chose, au contraire. Cela te fait connaître le monde le soir. La nuit a toujours été un des mystères qui t’habites depuis que tu es jeune, ayant fait beaucoup de nuits blanches à rêver de visions de l’avenir que tu ne connaissais pas. Tu continues toujours à tenir ton journal qui t’aides à te débarrasser de ce fardeau qui te suit depuis ton jeune âge. Mais encore aujourd’hui, il y a certaines choses que tu n’arrives pas à comprendre...


« now i am thirty years old... » Mais le monde n’est pas aussi beau qu’il paraît. Tu as toujours de la difficulté à te contrôler. Plus le temps avance, plus les visions sont plus intenses, des fois longues et tu te réveilles sans le moindre souvenir de ce qui est arrivé. Parfois, tu dois t’absenter de ton travail le soir, soit ne carrément pas y aller. Même en tenant encore le journal et avec du recul, tu te demandes toujours si c’est réellement un don... ou ne serait-ce pas davantage une calamité à traîner toute sa vie.