Août 2000
Sur les abords de l'Elbe, deux jeunes garçons s'amusèrent à se jeter de l'eau. Loin d'eux, une petite fille brune, bine nippée les observait. Cornélya, jusque-là, n'avait grandi qu'avait des garçons, ses frères. Mais ces derniers accordaient peu d'importance à leur jeune sœur ; soit les aînés, Marius et Alekseï, étaient de plus en plus accaparés par leurs cours particuliers, soit les cadets, Clemens et Oskar, jouaient dans leurs coins, sans elle. Elle était délaissée. Personne pour jouer à la poupée avec elle. Restant à distance, elle observa son jumeau et son petit frère patauger sur les abords du fleuve. Depuis leur naissance, Clemens et Cornélya ne sont pas les jumeaux les plus proches. Ils sont différents par leurs genres et par leurs personnalité ; Clemens est un petit garçon effacé tandis que Cornélya démontrait peu à peu son excentricité. Déjà petite, la seule fille de Lord Löwewald attirait la sympathie par ses sourires enfantins et ses mignonnes petites robes. Malgré son caractère jovial, ce qui lui manquait terriblement c'était l'attention de ses frères. Surtout des plus jeunes, Clemens et Oskar. Ils la mettaient régulièrement à l'écart et cela affectait sans le vouloir Cornélya.
Comme s'ils réalisèrent qu'une présence les observait, les garçons se retournèrent, échangèrent rapidement et firent signe à Cornélya. Intriguée, la petite fille hésita ; connaissant le côté farceur d'Oskar, elle se doutait d'un mauvais coup. Puis se souvenant de son souhait de faire part d'une partie de jeu, elle se leva et accourra vers ses frères. Arrivée à leur hauteur, son jumeau lui indiqua l'eau du doigt ; « On a vu une sirène. Tu veux voir ? » Depuis un certains temps, Cornélya avait une fascination obsessive pour les sirènes. Quelle ne fut pas déception lorsqu'on lui révéla que des sirènes ne pouvait pas se trouver dans les fleuves allemands. Cette découverte faite par ses frères était un évènement et elle voulait s'en assurer. L'enfant se rapprocha du fleuve, pencha un peu pour ne pas mouiller ses beaux souliers et se mit à observer. Il n'était pourtant pas difficile de distinguer quoique soit vu que l'eau du fleuve était claire. Et pourtant, elle ne voyait rien. Avant qu'elle ne fasse une réflexion, elle fut poussée par derrière et se retrouva dans l'eau. Plongée de force, elle n'eut pas de soucis de remonter à la surface. Hors de l'eau, elle distingua ses frères riant aux éclats. Cela la fit fulminer. « Ce n'est pas drôle ! » s'exclama-t-elle en remontant sur les abords du fleuve. Mais les garçons étaient bien trop occupés à rire que de se soucier de leur sœur. Elle partit en direction du château des Löwewald, trempée jusqu'aux os et bouillant de colère ; sa magnifique petite robe rouge est mouillée.

Décembre 2013
« Cornélya ! Comme vous nous avez manquées ! » Les Feuerbach avaient organisé une réception à l'occasion de l'arrivée de l'hiver. Depuis son mariage, Cornélya était conviée pour la première fois à une réception, ses moments de plaisir. « Vous êtes magnfique ! On dirait une toute autre personne !» « Ceci est bien normal, maintenant je suis mariée. » Souligna la toute jeune mariée en relevant sa main droite où se trouvait une magnifique alliance. Depuis six mois, Cornélya n'était plus une Löwewald, mais une Fuchs. Malgré son air enjoué, ce mariage ne l'enchantait pas. Elle savait qu'elle serait amenée à se marier avec une personne qu'elle n'aime pas forcément vu sa position est celle de sa famille. Quelle ne fut pas sa déception lorsqu'elle apprit qu'elle se mariait avec un Fuchs. Certes, ce sont des alliés de sa famille, mais elle les voit comme des sauvages, à vivre en pleine nature et en tant que nomades. Elle espérait mieux, comme la famille Monaci. Mais pas les Fuchs. Elle savait que si elle joignait cette famille, elle changerait complètement de mode de vie. De plus, elle avait beaucoup de mal avec son mari. Comme Marius, il était le fils aîné de la branche majeure des Fuchs, de ce fait, il est l'héritier. Mais cet homme est sombre, silencieux et peu appréciable aux yeux de Cornélya. Ils ne se sont vus que le jour du mariage et ont passé peu de temps ensemble ; leur courte lune de miel dans les pays nordiques et les premiers pas de Cornélya dans la demeure des Fuchs - la première surprise de Cornélya était de réaliser qu'il s'agissait d'un palais, et non pas d'une ferme comme elle s'était imaginée. Suite à cela, son époux est parti en voyage d'affaire pour le commerce de sa famille. Laissant seule Cornélya à sa belle-famille. D'abord déroutée, elle restait dans son coin, côtoyant les autres membres de sa famille qu'aux moments des repas. Puis, elle quitta la chambre pour aller dans les salons. Pour le moment, c'étaient seules excursions dans le domaine des Fuchs. Elle n'a pas le sentiment de faire partie de la famille. Cela s'explique par le fait que Cornélya refuse de faire le moindre effort. Lorsque cette invitation pour une réception se présenta, elle n'a pas hésité une seconde à quitter Stuttgart pour Berlin.
« Je peux vous dire qu'un mariage vous change complètement ! » « Oh ! Votre mariage fut une véritable réussite ! Je m'en souviens encore comme si c'était hier ; la salle, la réception et la cérémonie. Vos parents ont mis tous les moyens pour le premier mariage des enfants Löwewald. » « Effectivement, c'était absolument somptueux. Je me demande même si vous tenez le coup ... » Cornélya tourna doucement la tête vers son interlocutrice avec un regard interrogateur. « Ce que j'entends par là c'est que les Fuchs, c'est un tout autre univers d'après ce que j'en ai vu. Jusque-là, ils ont pas organisé de réception chez eux. J'ai même entendu dire qu'ils vivaient dans une ferme. N'est-ce pas trop difficile, Cornélya ? » Cette question n'avait rien d'innocent. Il y avait un lourd sous-entend. Cette personne pouvait se montrer aimable et ensuite vous planter un couteau dans le dos avec un sourire bienveillant. Elle sous-entendait clairement que Cornélya était loin d'être faite pour la vie qu'elle vivait actuellement. Qu'elle était dans une mauvaise situation. Certes, Cornélya n'avait pas désiré cette famille, mais elle avait des obligations à rendre à sa famille, les Löwewald. Elle et les Fuchs étaient des alliés, et ce mariage était un moyen d'entretenir leur alliance. Certes, elle n'était pas particulièrement attachée à sa belle-famille, mais on venait de s'en prendre à elle et aux alliés de sa famille natale. La Lionne fut touchée et effrontée par un mauvais coup. Bien qu'agacée par cette remarque, elle lui répliqua avec un calme olympien ; « Oui ma famille possède des fermes, mais elle vit dans un magnifique palais baroque qui date du dix-huitième siècle. Vous pourrez à l'occasion le voir avec votre futur époux quand j'organiserai une réception à Stuttgart ... Oh ! J'avais complètement oublié ; votre fiancié vous a cocufiée avec une magicienne. » L'intéressée fit choir sa mâchoire inférieur, profitant ainsi pour Cornélya de partir pour voir une autre connaissance.

Octobre 2015
Elle peinait à croire. Il y a cinq jours de cela, elle donnait naissance à son premier enfant. Un fils. Elle aurait préféré une petite fille, mais avoir son petit garçon l'avait comblée cependant. Après neuf mois de gestation, dont les derniers mois étaient un enfer pour elle - ainsi que pour son entourage - et un long travail pour faire venir au monde un futur Fuchs, l'arrivée de ce fils fut une véritable bénédiction ; ils avaient un héritier. La descendance était assurée. Puis, le lendemain, on apprit que des impérialistes avaient attaqué le palais du gouvernement communiste. Puis pendant deux jours, plus rien, pas de nouvelle. C'était l'angoisse et l'inquiétude. Dans une missive express, on apprit que deux des frères de Cornélya s'y trouvaient. Pendant deux jours, on comptabilisait l'état des dégâts. Puis ce matin, le verdict était tombé ; Oskar Löwewald était mort, tué dans le coup d'état. Un choc. Pendant de longues heures, Cornélya ne dit rien. Elle était assise dans son lit, sa belle-mère était à proximité d'elle, droite comme un i, et une sage-femme de l'autre côté de la chambre, à côté du berceau. Elle était blanche comme les draps. Elle était encore épuisée par les longues heures de l'accouchement, mais la nouvelle eut comme un coup fatale. Toutes formes de vie s'étaient envolées dans l'expression de Cornélya. Il y a cinq jours, on y pouvait voir de la douleur à cause des contractions, puis du soulagement et du bonheur lorsqu'elle tenait son nouveau-né dans les bras. Ensuite, il y a quatre jours, il y eut de l'inquiétude et un flottement de panique lorsqu'on lui annonça la présence de ses frères dans un coup d'état impérialiste. Pendant deux jours, une angoisse qui la rongeait. Enfin, aujourd'hui, plus rien. Une tristesse profonde l'avait submergée au point de la rendre livide. Au fond, elle se sentait seule ; ses parents n'étaient pas là, son mari parti elle ne sait où. Aucune personne qu'elle connaissait n'était là pour la soutenir dans cette épreuve. La solitude avait quelque chose d'amer. Puis elle releva la tête. Les deux autres femmes tressaillirent ; elles aillaient probablement assister à une autre forme d'expression. Ce qui les soulageraient fortement ; Cornélya n'avait pas un mot depuis l'annonce du décès de son petit frère et n'avait pas réagi.
La jeune Löwewald eut comme un éclaircissement. Elle se tourna vers sa belle-mère. « Je sais que le prénom fut déjà choisi, mais je me demandais si on pouvait un second prénom. Comme Oskar par exemple ... » Lady Fuchs ne dit pas un mot. En temps normal, à chaque proposition de sa belle-famille, elle réfuterait, expliquant que ce n'étaient pas dans les habitudes des Fuchs. Elle adopta un regard compatissant pour Cornélya ; « Tristan Oskar Fuchs me semble parfait. » Cornélya détourna de nouveau et quelques larmes se mirent à couler. Elle tenta de les ravaler et se mordit les lèvres péniblement. Elle tendit les bras vers la sage-femme, lui faisant de lui apporter son fils. Cette dernière s’exécuta et lui déposa délicatement le nourrisson lové dans ses langes. Le petit Tristan Oskar Fuchs dormait paisiblement, ignorant les évènements tragiques du monde. Rien qu'à cette pensée et face à la sérénité de son fils, Cornélya fondit en sanglots.

Mai 2016
Dans son atelier de fortune cédé par les Fuchs, Johnattan prépara une nouvelle concoction de son cru ; il espérait créer une nouvelle mixture guérissante pour des problèmes de peaux. Il avait observé que certains membres de la famille Fuchs avait de sérieux problèmes d'eczéma. Comme il avait observé que certains avaient la mauvaise manie de rester à l'ombre, à l'épier. « Lady Löwewald, venez me voir. Vous me gênez encore plus si vous m’espionnez derrière mon dos. » L'intéressée ne se fit pas plus prier et sortit de sa cachette ; « Je vous signale que je suis mariée à votre protecteur. Pour vous, ce sera Madame Fuchs ; le titre de lady est attribuée à ma belle-mère. » Le magicien se tourna vers Cornélya et lui fait face. Depuis le temps qu'elle vit avec sa belle-famille, la jeune femme n'avait jamais compris l'intérêt des Fuchs pour les magiciens. Cornélya les considérait comme d'étranges ... créatures. Certes le terme était un peu fort mais pour elle c'étaient des cas ; ils n'étaient pas nés dans des familles de sorciers mais sont venus au monde avec des dons. Elle s'était même demandée où ils apprenaient à maîtriser les dons vu qu'ils ne pouvaient pas aller à Goldalder. « Jusque-là, je vois que vous êtes une Löwewald. Vous êtes de nouveau vêtue de rouge et d'or. » « Oui, certes, j'ai du mal à me faire à ce nouvel environnement. » « Cela fait trois ans que vous êtes mariée à mon maître » « ... Moui. » Elle ne pouvait pas le contredire. Les bonnes habitudes ne se perdaient pas. Et elle cherchait toujours des moyens de quitter Stuttgart pour aller à Berlin ou pour voir sa famille à Hambourg. C'était plus fort qu'elle. Et pourtant, elle faisait des efforts ! Elle participe aux affaires un peu sombres de sa belle-famille en vendant de beaux manteaux de fourrures à des prix défiant toutes les concurrences. Elle apporte même des attentions particulières à sa belle-famille. Par exemple, la semaine dernière, en voyant sa belle-tante peinée de perdre ses boucles d'oreilles, elle lui offrit d'autres, plus belles. Mais pas en mains propres ; par courrier et anonymement. Le fait que Johnattan lui fasse cette remarque l'énervait ; cela faisait à peine six mois qu'il était là et il l'agaçait déjà. Elle n'aimait pas son assurance et sa complaisance. Cela ne l'empêchait d'être intriguée par la personne. « Et bien, j'y peux rien ! Si mon mari n'était pas aux abonnés absents et un peu plus présent, avec moi, peut-être que je ne serai pas ainsi. » « Ah bon ?! Vous avez besoin de votre mari pour vous sentir à l'aise dans votre belle-famille ? Vous avez réellement besoin qu'un homme vous aide ou vous dise quoi faire ? » Qu'est-ce qu'il sous-entendait ? Que Cornélya n'était pas assez douée ou futée pour se débrouiller toute seule ? « Je me demandais ; avez-vous reçu l'autorisation exceptionnelle de votre époux pour venir me voir ?» C'en était trop : agacée, Cornélya lâcha un râle de colère et quitta les lieux. Johnattan sourit : il l'appréciait malgré ses airs de princesse et aimait bien la titiller. Et puis, il avait besoin de calme pour travailler sur sa nouvelle concoction. Sa présence pouvait le troubler...